Doro et moi-même, nous aimons la
montagne à vélo. Ce n'est pas nouveau.
N'allez pas croire que nous y allons
principalement pour augmenter notre collection de cols. Les mots summit, paß,
passo, pass, joch, colle, collet et col précédés ou suivis par un nom ne sont là
que pour nous prévenir que notre ascension est finie...
Bien sûr, nous les notons sur une
feuille de papier ; bien sûr, nous passons plus facilement par des routes dont
la grimpée se termine par un col ; bien sûr, j'en ai la liste complète classée
par ordre alphabétique, par altitude et par pays (mais l'ordinateur fait si bien
les choses) ; bien sûr, j'appartiens au club des 100 cols !
Deux parties des Alpes nous étaient
inconnues : la partie Ouest de l'Autriche et les Dolomites Italiennes.
En route, donc, vers ces nouvelles
contrées !
Strasbourg
Une chose
que nous ne pouvons plus faire : partir de chez nous à vélo. Nous connaissons
trop les routes pour perdre plusieurs jours de vacances. Nous prenons donc le
train. Cela apporte des contraintes mais c'est efficace.
Et nous voilà à Strasbourg. Gorbatchev
a eu la même idée que nous. Mais il était très occupé et il n'a pas pu nous
souhaiter « Bonne route » ! Après une journée consacrée à la
visite de cette ville, le voyage a réellement commencé.
La Forêt Noire
C'est une
jolie région mais la circulation automobile était souvent importante. Les routes
modernes manquent de charme : les virages se sont évanouis, la largeur de la
route est « réglementaire ». En Allemagne et en Autriche, quasiment
toutes les routes ont été « réactualisées ». C'est notre époque qui veut ça :
l'automobile est reine et un grand pays se doit de posséder des moyens de
communication adaptés. Le cycliste a de plus en plus affaire à un milieu
hostile. A l'allure où vont les choses, les petites routes d'antan n'existeront
plus. Durant le week-end, des milliers de
motos ont sillonné cette région.
Lac de Constance
Autour du lac, nous avons suivi le
circuit pour les vélos. Il est un peu biscornu mais il nous permet d'échapper
aux automobiles. Je crois que la plus forte
concentration de cyclo-campeurs au monde se trouve ici. Des centaines et des
centaines de vélos avec des sacoches. Du jamais vu ! Un réservoir humain
incroyable pour l'association Cyclo-Camping International !
L'Autriche
Au départ, nous n'avions pas
d'itinéraire ni d'étape fixés à l'avance. Régulièrement, nous nous sommes posés
la question de savoir par où nous allions poursuivre. On pouvait voir, alors, dans les
campings, deux cyclistes à genoux dans l'herbe, les fesses en l'air, la tête à
vingt centimètres du sol et qui semblaient chercher, sur des cartes ou sur des
guides, quelque chose ! Après discussion, nous tracions en pointillé
l'itinéraire pour les jours suivants.
Les villages autrichiens sont très
jolis mais ils se ressemblent presque tous. La tradition est très forte. Chacun
entretient avec un soin méticuleux sa pelouse, ses fleurs, ses murs, sa clôture.
Il faut savoir qu'en Autriche, il y a un million de chambres d'hôtes pour sept
millions d'habitants. Ceci explique cela ! L'Autriche vit beaucoup par le
tourisme et elle ne veut plus modifier son image.
La
Bavière
En 1980,
nous étions passés par la Bavière et nous en gardons un excellent souvenir.
Cette année, nous avons fait une extension pour aller revoir les fameux châteaux
royaux.
Innsbruck
Sur le guide Michelin, il y a deux
étoiles pour Innsbruck. Nous y sommes restés une journée. A part une jolie rue
où tous les touristes qui traversent l'Autriche s'entassent, j'aurai tendance à
dire : « Rien à voir. Circulez ! ».
Après Innsbruck, nous devions
continuer vers l'Est... Doro était en train de regarder la
carte et innocemment elle a dit : « tiens, il y a un col à +2000 m à 30 km
d'ici. ». Dans ma tête, ça a fait immédiatement 'tilt'. J'ai sauté sur la carte
et dans ces cas là, les yeux parcourent le bout de papier à une vitesse folle,
histoire de retracer un itinéraire pas trop idiot, en comptabilisant la
différence du nombre de kilomètres et de cols que cette modification va
entraîner. Cap plein Ouest !
Les cols à +2000 m
Kühtai (2017 m), c'est le nom de ce
col passé par un temps de cochon. Nous avons découvert avec lui les forts
pourcentages d'Autriche. Ce ne seront pas les derniers ! Après lui, le
Timmelsjoch (2509 m) avec une très jolie vallée pour y accéder. Il a marqué
notre passage en Italie. Puis ce fut le Jaufenpaß (2094 m) et le retour en
Autriche par le Stallersattel (2052 m).
Nous n'avons pas regretté notre détour
!
Dans la vallée, près de Brunico, nous
avons rencontré trois cyclo-campeurs polonais. D'habitude, ce sont plutôt des
hollandais. Ils revenaient de Yougoslavie. Ils étaient mal équipés. L'un d'eux a
compté les dents de mes pédaliers : 46-42-28... Lui, il avait 53-42. Il en était
fier. Je ne parle pas le polonais et je n'ai pas pu lui expliquer que ce n'est
pas le fait d'avoir un grand plateau qui est important (ça, tout le monde peut
l'avoir), mais c'est d'être capable de s'en servir !
Le Großglockner
Quand on visite l'Autriche, la route
obligatoire est bien celle du Großglockner. Le seul problème, c'est que pour
monter là haut, il y a 16 km à 12 % !
En cyclo-camping, c'est quand même dur.
J'aime l'effort mais pas la souffrance et j'avoue que dans ce pays là, la
frontière entre le plaisir de monter et le déplaisir d'en baver n'est pas
toujours bien distincte. Au tunnel du Hochtor (2505 m), nous sommes bien
contents d'en avoir terminé.
Salzburg
Au cœur des Alpes, les grosses vallées
ne présentent aucune difficulté. Le problème, comme toujours, c'est la
circulation. Pour aller vers Salzburg, nous avons choisi la vallée où passait
une autoroute. Ainsi, nous étions tranquilles ! Nous avions déjà visité cette ville,
toujours en 80, lors de notre tour des Alpes Européennes à tandem.
Le lendemain, nous
avons continué notre route vers l'Est en direction des lacs Attersee et Mondsee.
Sur la petite route qui longe le lac, Doro a perdu le sac de chips qu'elle avait
mal accroché sur sa sacoche arrière. Le conducteur de la voiture qui arrivait en
face n'a pas cherché à éviter cet obstacle mais a plutôt visé pour rouler
dessus. Réflexe d'un automobiliste imbécile ou d'un imbécile automobiliste ? Là
est la question. Le midi, nous avons mangé des miettes de chips. C'est pas
mauvais.
Le mauvais temps
Le soir, un terrible orage allait
éclater nous obligeant à changer de place la tente car le sol absorbait mal.
Notre tente est vraiment résistante. Elle a neuf ans et nous partons chaque
année presque deux mois. Elle est toujours vaillante contre la pluie ou le vent.
Les quatre jours suivants allaient
être très médiocres. La température ne dépassa pas onze degrés à 600 m et la
pluie fut très fréquente. Du lac d'Hallstat, nous sommes allés jusqu'à Abtenau
et là, nous avons décidé d'attendre des jours meilleurs. En effet, l'étape
suivante devait nous conduire à un col à 1750 m et il y avait toutes les chances
que là haut, il neigea.
Vers le Sud
Le beau temps revenu, nous avons pris
le cap plein Sud. Sur notre route, nous avons rencontré le Katschberg. « Qui
c'est celui là ? ». Une horreur. Une grimpée de cinq kilomètres mais avec du 15%
en permanence. Dur, dur ! J'ai tout monté en danseuse sur le 28/28 en forçant
comme une bête et en m'arrêtant tous les kilomètres. Ensuite, on est vidé pour
le restant de la journée. Si tous les cols étaient comme ça, j'irai passer mes
vacances en Hollande !
Plus tard, nous avons longé la
frontière jusqu'au col de Kartisch-Sattel par une route difficile mais très
jolie.
Les Dolomites
Dans les campings autrichiens, nous
n'avons rencontré que des allemands ou des hollandais. Sitôt la frontière
italienne passée, les campings étaient bourrés... d'italiens ! Vous voulez faire fortune ? Alors
achetez un terrain plat dans une des vallées des Dolomites, construisez un bloc
sanitaire et puis attendez... Les italiens viendront s'y entasser à n'importe
quel prix ! Du coup, voyant le taux de remplissage
de ces sympathiques campings, nous avons opté pour le sauvage. De toute façon,
en Italie, quand on vous dit qu'un camping est complet, c'est que vraiment on ne
peut plus rien mettre dedans !
A Cortina, nous avons décidé de faire
une extension vers Venise qui n'était qu'à 200 km...
Venise
Nous y sommes restés trois nuits. Pour
avoir le temps de voir ce que nous avions raté en 1980 : la basilique Saint Marc
(cette fois ci, nous avons mis des pantalons car les personnes qui portent des
shorts ne peuvent pas rentrer...), le palais des Doges, les îles de Murano et de Burano.
Retour dans les
Dolomites
Nous sommes remontés vers les Alpes et
les Dolomites par le Passo di Rolle. Un col qui culmine à 1987 m. Un scandale ! Au sommet, nous avons été un peu déçu
car le site n'est pas formidable et il est gâché par de nombreux vendeurs
d'anoraks en tous genres. Les grands cols italiens sont comme les campings :
c'est la foire !
Juste avant le sommet, j'avais vu une
piste sur laquelle s'engouffraient de nombreuses voitures. La carte que nous
possédons n'est pas précise : c'est une 1/400 000°. Nous sommes allés voir une
1/50 000° qui était affiché sur le mur du refuge. J'espérais que cette piste
mènerait à un col, cette fois ci, au dessus de 2000 m. La carte nous l'a
confirmé. Doro n'était pas très chaude pour continuer à grimper... Je lui ai
fait miroiter qu'en passant par la piste, nous pourrions trouver plus facilement
un endroit pour camper. Elle me suivit de mauvaise grâce...
Là haut, à 2150 m, ce fut l'extase.
Les Dolomites nous sont apparus dans toutes leurs beautés. C'est une vallée
extraordinaire qui s'est révélée devant nous.
Cependant, plus en avant, la piste est
barrée. Nous avons demandé à un VTTiste qui était monté par là si la voie était
possible. Il répondit affirmativement. Nous sommes descendus sur une piste
pleine de cailloux mais ça a roulé. Nous avons planté la tente au pied de cette
montagne dans un endroit superbe mais interdit...
Le lendemain, nous avons continué la
piste puis nous avons rejoint la route pour franchir le passo di Valles (2033
m).
Le 15 août, nous avons fait une balade
merveilleuse. Nous avons passé quatre cols : le Pordoï (2230 m), le Campolongo
(1875 m), le Gardena (2121 m) et le Sella (2244 m).
Tous les
cyclistes qui ont fait cette
route vous le diront : c'est magnifique, c'est grandiose. Pour vous donner une
idée, c'est la Case Déserte de l'Izoard en cent fois plus grand. Parmi les 650
cols que j'ai déjà franchis, c'est pour moi, ces deux derniers les plus beaux.
Ce jour là, nous avons vu beaucoup de
VTT. Des nouvelles pratiques ont vu le jour. Certains « sportifs » montent en
téléphérique ou en voiture puis ils n'ont plus qu'à descendre. C'est marrant et
pas fatigant. On reconnait cette nouvelle race à la fraîcheur du visage et au
maillot impeccable. Comme dit un de mes amis, le vélo, c'est un sport de glisse
!
Au sujet des VTT
Au départ, les USA. Les américains
découvrent le vélo et ce type de bicyclette correspond bien à leur état
d'esprit. (loisirs axés vers la nature).
Comme d'habitude, quelques années plus
tard, la mode déferle sur l'Europe...
L'année dernière en Californie, nous
avons vu beaucoup de patinettes. Attendez-vous à en voir d'ici un ou deux ans
sur notre vieux continent (même si j'en avais une quand j'étais petit !). Avec
un nouveau look, ça se vendra bien !
Actuellement, les
cyclistes étrangers ont
le choix entre deux types de vélos (j'oublie volontairement le vélo de ville) :
• le vélo de course avec ses grands
développements pour faire comme les champions, du moins en apparence, car dans
les cols, dur, dur !
• le mountain bike avec son triple
plateaux, son cadre aux tubes épais, ses gros pneus.
C'est ce dernier type de vélo qui a
actuellement la préférence au point qu'il a détrôné le vélo de course dans les
vitrines italiennes.
Et pourtant, en France, cela fait
longtemps que l'on sait construire des vélos adaptés à une pratique presque
polyvalente (recherche de la solidité sans trop perdre de rendement) : le vélo
de cyclotourisme !
Comme dit souvent Doro, une trop
grande efficacité conduit à la stérilité. L'arrivée du VTT a été finalement une
bonne chose. Il a permis un élargissement du choix qui répond bien à toutes les
pratiques et à tous les phantasmes.
On retrouve cette similitude avec les
voitures tout-terrain et les motos trails.
La suite logique devrait être celle ci
: les utilisateurs vont s'apercevoir que le VTT n'est pas tout à fait adapté
dans sa forme actuelle à leur pratique qui consiste essentiellement à rouler sur
des routes et à faire quelques chemins. Ils vont réclamer un meilleur rendement,
un poids plus faible. Donc, sans changer l'aspect du VTT, on va arriver à des
cadres plus légers, des pneus de dimensions plus raisonnables.
Le confort d'un vélo n'est pas le même
que celui d'un fauteuil. Pour moi, un vélo confortable, c'est un vélo qui avance
sans peine, ce n'est pas un vélo à suspensions qu'il faut traîner !
Le passo di Nigra
Ce fut le col le plus facile de notre
carrière. Une légère montée puis une descente. Il faut dire que nous l'avons
passé après le passo di Costalunga qui se trouve à une altitude supérieure. Par
contre, la grimpée de l'autre côté doit être terrible. Par la route qui longe
l'eau, c'est du 15 à 25% pendant 8 km !!! De tous les Alpes, ce doit être le col
le plus dur ! J'ai appris plus tard, qu'à la quinzaine CCI 88, un groupe était
passé par là. Les filles n'arrivaient même plus à pousser leur vélo. Ils avaient
été obligés de dormir au milieu du col. Un très mauvais souvenir pour certains !
Dans cette descente, nous avons
rencontré deux cyclo-campeurs américains. La femme parlait très bien le
français. Ils nous ont dit qu'ils avaient rencontré deux amis à nous quelques
jours plus tôt en Suisse. Ils avaient roulé ensemble une journée. C'est le
maillot CCI qui leur a permis de faire la relation entre nous et eux ! Le monde
est petit...
Nous avons discuté durant une heure.
Ils partaient pour un an. Ils n'en étaient pas à leur premier voyage !
La route des Vallées
De Bolzano à Merano, nous avons pris
une petite route très agréable dans les vergers. Après Merano, il n'y a qu'une
route, la S 38. C'est là que, pendant une dizaine de kilomètres, nous avons
doublé des centaines de voitures. Les touristes vont voir le passo dello Stelvio
et parfois ça bouchonne !
Le journaliste
Un automobiliste avec un vélo de
course sur le toit nous a doublé. Il s'est arrêté quelques centaines de mètres
plus loin et il nous a pris en photo. Tiens, un italien qui s'intéresse au
cyclo-camping ! Même scénario à la sortie d'un tunnel. Au village suivant, nous mangions sur
un banc lorsque nous avons vu à nouveau notre homme. Il a pris, discrètement,
quelques photos de loin. Je lui fis signe qu'il pouvait s'approcher pour
observer nos vélos...
Il se nomme Gian Marco Pedroni et il
parle très bien le Français. C'est un journaliste qui a écrit plusieurs ouvrages
sur des itinéraires à bicyclette. Ce n'était pas nos vélos qui l'intéressait
mais le couple que nous représentons.
Il nous a demandé s'il pouvait faire
quelques clichés de nous avec nos montures... devant le crucifix qui se trouvait
à proximité de là. Moi qui, à la question « Dieu,
existe-t-il ? », préfère répondre « Je ne sais pas » (*) et éviter ainsi de
m'inventer une religion ; me voilà pris en photo avec Doro devant un superbe
crucifix ! Tout cela parce que cela fait romantique !
(*) Les théories de Darwin montrent que c'est
le hasard qui est à la base de l'évolution.
Le dernier grand col
Le Bielerhöhe (2036 m) fut notre
dernier grand col autrichien.
Dans la montée, Doro a doublé des
cyclotes... Ma femme transporte quinze kilogrammes de bagages, les autres zéro !
Ma femme est-elle une championne ? Non, pas spécialement.
Mais alors, pourquoi ? Parce que ces
'nénettes' n'avaient pas encore compris que le développement d'un vélo doit être
adapté à la pente, sinon ça coince. Les 'mecs', non plus, n'avaient pas compris
cela avec leur 42/24. Alors, au lieu de souffrir bêtement sur vos vélos de
course avec des braquets imbéciles, achetez-vous plutôt un triple plateaux et
des grosses couronnes à l'arrière, la vie vous semblera plus facile et vous irez
finalement plus vite et plus loin !!!
Le liechtenstein
Vous
connaissez ? Auparavant, je n'aurai pas su le montrer sur une carte. C'est un
tout petit état, à l'Est de la Suisse. Capitale Vaduz.
Pour le traverser Nord-Sud, comptez
deux heures à vélo ! De toute façon, il n'y a rien de spécial à y voir.
La Suisse
Pour finir, nous avons traversé la
Suisse d'Est en Ouest, en passant pas Zurick et Bâle. Nous avons pris le train à
Saint Louis.
Au cours de notre voyage, nous avons
pu observer les réactions très différentes des gens face au cyclo-camping. En
Allemagne et en Autriche, une indifférence totale. En Italie, c'est le matériel
qui les intéresse, pas nous. En Suisse, le vélo est très utilisé et la plupart
des gens avaient de la sympathie pour nous car ils savent ce que c'est que de
pédaler !
Daniel CLERC
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