Un rapport de la Cour des comptes estime que la
France n’a pas fait de progrès depuis 2013 en ce qui concerne la
diminution de la mortalité routière.
Elle a
dégringolé en dix ans du 7e au 14e rang dans ce domaine au niveau
européen.
Les
Sages préconise plusieurs mesures pour redresser le tir, notamment
de la pédagogie sur les mesures, l’inclusion des collectivités
locales dans la politique de sécurité routière…
Sur un
demi-siècle, les progrès sont impressionnants : la France est passée
de 18.000 morts sur les routes en 1972 à 3.500 en 2019. « Mais
depuis 2013, on a atteint une sorte de plateau », souligne Gilles
Andréani, président de la 4e chambre de la Cour des comptes.
Un
rapport des Sages paru ce jeudi montre en effet que la mortalité
routière a particulièrement reculé entre 2008 et 2013, avec un
nombre de morts par million d’habitants passé de 69,4 à 52,2. Il est
ensuite resté stable à ce niveau. Et d’autres indicateurs inquiètent
: « Le nombre de blessés graves a augmenté entre 2013 et 2017. Et
les usagers de deux-roues motorisés, qui représentent 2 % du trafic,
constituent 22 % des décès sur la route », indique Gilles Andréani.
L’objectif fixé en 2012 par Manuel Valls de limiter le nombre de
morts sur les routes à 2.000 à l’horizon 2020 n’a, de fait, jamais
été atteint. Et si l’on compare la France à ses voisins, ce n’est
guère plus flatteur : « Du 7e rang dans l’Europe des Vingt-huit en
2008, elle est passée au 14e en 2019 », constate Gilles Andréani.
«
Aujourd’hui, l’ère des grandes mesures touche à sa fin »
Si la
politique de sécurité routière ne permet plus de faire des progrès,
c’est tout d’abord parce que de nombreuses mesures qui portaient sur
les comportements des automobilistes ont déjà été prises et ont
porté leurs fruits, estime le rapport. « Autrefois, une mesure
permettait d’épargner des milliers de vies. Comme l’obligation de la
ceinture de sécurité à l’avant en 1973 et à l’arrière en 1990,
l’introduction du permis à points en 1992, ou l’apparition des
radars en 2003. Mais aujourd’hui, l’ère des grandes mesures touche à
sa fin », analyse Gilles Andréani. Certes, récemment, en 2018, il y
a eu l’abaissement de la vitesse maximale autorisée de 90 à 80 km/h
sur les routes secondaires *, mais les données sur l’efficacité de
cette mesure sont encore parcellaires.
D’autres explications permettent de comprendre le palier atteint : «
La présence des forces de l’ordre au bord des routes a baissé de 40
% depuis 2008, ce qui a entraîné un moindre contrôle de l’alcoolémie
et de l’usage des stupéfiants chez les conducteurs », souligne
Gilles Andréani. Une tendance qu’explique Dominique Antoine,
conseiller-maître à la Cour des comptes, « par les autres priorités
des forces de l’ordre ces dernières années : la lutte contre le
terrorisme, l’application des mesures sécuritaires liées à la crise
du Covid-19 ». Selon Chantal Perrichon, présidente de la Ligue
contre la violence routière, la baisse d’efficacité de la politique
de sécurité routière s’explique aussi par un manque de courage
politique : « A partir de 2013, on n’a eu qu’une série de mesurettes.
Et à part la limitation à 80 km sur le réseau secondaire, il ne
s’est plus rien passé ».
Les
Sages préconisent davantage de forces de l’ordre au bord des routes
Mais
des progrès sont encore possibles selon les Sages, qui plaident pour
une approche plus globale. Pour gagner en efficacité, la Cour des
comptes suggère que la sécurité routière ne soit plus uniquement
pilotée par le ministère de l’Intérieur, mais « que le ministère des
Transports y joue un rôle accru ». Et ce pour qu’une concertation
plus accrue avec les collectivités territoriales soit possible,
notamment sur l’implantation des radars. Une mesure insuffisante,
selon Chantal Perrichon : « Il faut que la Délégation à la sécurité
routière dépende du Premier ministre, afin que tous les ministères
soient impliqués : Intérieur, Santé, Education, Transports, Justice
».
Se
fixer des buts à atteindre, comme l’Espagne avec son objectif « plus
d’enfant mort sur les routes », semble aussi indispensable. « Cela
permettrait d’impliquer différents acteurs autour d’un objectif
ciblé, de communiquer plus précisément sur un sujet », estime
Christine Camby, rapporteure générale de l’étude de la Cour des
comptes. Dans cette logique, les Sages plaident pour l’adoption par
le Parlement de programmes à périodicité fixe, par exemple de plans
quinquennaux, plutôt que de poursuivre un égrainage de mesures par
l’exécutif.
Mieux
faire accepter les mesures, un impératif
Pour
sortir du « tout radar », la Cour des comptes recommande aussi « une
présence maintenue, active ou dissuasive, des forces de sécurité au
bord des routes et dans le flux de circulation, en particulier de la
part de la Police nationale ». Chantal Perrichon estime, elle, qu’il
faudrait « davantage de voitures banalisées des forces de l’ordre
sur les routes. Il y en a une centaine ; et encore, elles roulent
très peu ». Elle plaide pour deux mesures encore plus forte : «
l’interdiction des applications d’avertisseurs de radars et de
forces de l’ordre, et la mise en place du Lavia (limitateur
automatique de la vitesse) sur les véhicules, afin que les
automobilistes ne puissent pas de dépasser les vitesses autorisées.
»
Last
but not least, les Sages recommandent au gouvernement de «
rechercher une plus grande adhésion » de la population sur les
mesures de sécurité routière. Car celles-ci sont souvent mal
comprises, mal acceptées et donc moins bien respectées que si les
usagers de la route en comprenaient le sens.
Exemple avec les radars. « Le fantasme court toujours sur le fait
qu’ils seraient une pompe à fric. Alors qu’ils rapportent beaucoup
moins à l’Etat (un milliard d’euros en 2019) que ce que coûte la
politique la sécurité routière (3,7 milliards d’euros en 2019) »,
souligne Gilles Andréani.
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