Histoire populaire des impôts (1/2)
Du Moyen Âge aux révoltes populaires qui agitent aujourd’hui la
France, l’Allemagne et le Royaume-Uni, une passionnante histoire
comparée de l’impôt, reflet des transformations de l’État et de la
relation des citoyens à ceux qui les gouvernent.
Après plusieurs siècles de soulèvements populaires réguliers contre
les taxes royales, la Révolution française consacre le principe de
l’égalité devant l’impôt et transfère le pouvoir fiscal à une
chambre élue. Au XIXe siècle, les nations européennes empruntent
massivement pour financer la révolution industrielle. Mais comment
rembourser la dette ? À côté des taxes sur la propriété et sur la
consommation qui étouffent ouvriers et paysans, le Royaume-Uni
adopte l’impôt sur le revenu en 1848. L’Allemagne suit vingt ans
plus tard, la France, en 1914. Ces dernières entérinent sa
progressivité – que les plus fortunés s’empressent de contourner en
transférant leurs capitaux en Suisse – au lendemain de la Grande
Guerre, tandis que la "hache de Geddes" (du nom du ministre
conservateur Eric Geddes) s’abat sur les dépenses publiques
britanniques. Après l’horreur de la Seconde Guerre mondiale,
l’État-providence s’impose : France, Allemagne et Royaume-Uni se
dotent de systèmes de protection sociale. La création du marché
économique européen entraîne la généralisation progressive de la
TVA, initialement française. En 1982, sous Mitterrand,
l’instauration de l’impôt sur les grandes fortunes relance l’évasion
fiscale. Partout ailleurs, le tournant néolibéral se prépare…
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Histoire populaire des impôts (2/2)
Du Moyen Âge aux révoltes populaires qui agitent aujourd’hui la
France, l’Allemagne et le Royaume-Uni, une passionnante histoire
comparée de l’impôt. Arrivée au pouvoir en 1979, Margaret Thatcher
applique les théories économiques de Hayek : privatisations, retour
à l’"État minimum", baisse des impôts sur les revenus les plus
élevés et les entreprises.
Si les mineurs en grève échouent à la faire plier, c’est sur la "poll
tax", une taxe d’habitation identique pour tous, que la Dame de fer
finira par trébucher. Dans l’Allemagne réunifiée, les citoyens de
l’Est, soumis à la fois à l’impôt et aux conséquences du
démantèlement de leur système social, souffrent du passage à
l’économie de marché. Dans une France elle aussi submergée par la
vague néolibérale et le creusement des inégalités, la CSG
(contribution sociale généralisée), vouée à financer la Sécurité
sociale, entaille le principe de la progressivité. La construction
européenne, avec la libre circulation des capitaux et la monnaie
unique, met en concurrence les systèmes fiscaux nationaux. C’est le
boom des niches – et de l’optimisation – fiscales. Victimes des
délocalisations, puis des politiques d’austérité nées de la crise de
2008, de nombreux Européens basculent dans la précarité et, pour
certains, dans le populisme.
Consentement et évitement
"Gilets jaunes", partisans du Brexit, perdants de la réunification :
avec pour point de départ ces colères qui traduisent, souvent sur
fond de contestation de l’impôt, la crise de nos démocraties, ce
documentaire de Xavier Villetard (André Malraux, l’épreuve du
pouvoir), coécrit avec l’historien Gérard Noiriel, remonte le cours
des luttes qui ont opposé, depuis le Moyen Âge, les peuples
français, allemand et britannique à leurs gouvernants en matière
fiscale. Entre privilège des puissants et ambitions redistributives,
entre consentement et évitement, ces deux chapitres mêlent archives
et éclairages (d’anciens ministres, comme George Osborne, Éric
Woerth ou Wolfgang Schäuble, de députés, d’inspecteurs des finances,
d’économistes…) pour décrypter la tumultueuse histoire d’un outil
qui est le miroir des métamorphoses de l’État et de la société.
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