Seules 10% des 400 plus grandes villes du monde sont
gouvernées par des femmes.
Espaces majoritairement pensés et occupés par les
hommes, les villes constituent un milieu hostile pour une majorité
des femmes. Les difficultés d'usage et de déplacement ont même
tendance à se renforcer dans nos cités qui se veulent pourtant
modèles et durables.
Analyse
Les études menées par les géographes, sociologues et urbanistes sont
unanimes : l'espace urbain est fait par et pour les hommes et ce,
dès le plus jeune âge. « Les équipements culturels et de loisirs
dédiés aux jeunes, comme les skateparks ou les citystades, sont
majoritairement occupés par les garçons, relève le géographe Yves
Raibaud. De même, Les collectivités publiques n'hésitent pas à
construire des stades pour 40000 supporters masculins, sans investir
l'équivalent pour des activités féminines.»
La ville durable creuse les inégalités
Ces enquêtes montrent également qu'à la différence des hommes qui
ont une approche ludique et récréative de la ville, les femmes
privilégient les déplacements fonctionnels, ralliant un point à un
autre, du domicile à la crèche, puis au lieu de travail... sans
vraiment y stationner.
Cette disparité tient au fait que les femmes assument à 75% les
déplacements destinés à accompagner les enfants et les personnes
âgées, ainsi que plus des deux tiers des courses et tâches
ménagères.
Elle s'explique aussi par le sentiment d'insécurité qui découle du
harcèlement de rue : « 100% des femmes adoptent des stratégies de
précaution lorsqu’elles abordent la ville de nuit », note Yves Raibaud.
On pourrait penser que la ville « durable », qui valorise les
transports « doux », favorise le vivre ensemble.
Au contraire, selon
le géographe, « elle creuse les inégalités hommes-femmes ».
Le vélo ?
L’arrivée d‘un deuxième enfant entraîne presque toujours son abandon
chez les femmes. Les espaces piétonniers ne font qu’allonger leur
temps consacré aux déplacements, et le covoiturage n'est pas adapté
à leurs besoins.
« Lors des phases de concertation, largement dominées par les
experts hommes, la voix des femmes reste inaudible. La ville est de
plus en plus organisée pour les hommes jeunes, valides, en bonne
santé et libres d'obligations familiales ».
La question des espaces réservés
Si les transports publics assurent mieux que la voiture les
déplacements des femmes des classes populaires, « ils peuvent
concentrer, selon Marion Tillous, géographe, une forme spécifique de
violence physique et verbale, due à la forte densité des voyageurs
qui empêche les femmes de pouvoir s'en extraire facilement ou de
s'exprimer.
La création d`espaces non mixtes, telles que les voitures de métro
réservées aux femmes, au Caire ou à São Paulo, constitue une réponse
immédiate à ce problème, mais soulève également des questions.
« Notamment sur l'accueil réservé aux femmes qui se rendent dans les
voitures mixtes, sur la façon de faire respecter cette disposition
ou sur la formation des personnes chargées du contrôle », relève
Marion Tillous.
L’alternative ?
Investir massivement dans le secteur des transports
collectifs publics, afin de réduire la densité des voyageurs. « Cela
implique aussi de modifier les rapports de force, poursuit la
géographe, en pratiquant la parité systématique a toutes les
échelles et en interdisant les publicités sexistes qui entretiennent
la culture du viol et du non-consentement ».
Signe d’encouragement,
pour Yves Raibaud, ces questions d'égalité sont aujourd’hui devenues
des enjeux politiques majeurs, annonciateurs de changements profonds
de société.
« Reste à nous interroger également sur l'éducation
donnée aux garçons afin de les rendre capables de s'insérer dans des
sociétés mixtes et d'en partager les espaces et les ressources ».
Katia Vilarasau
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