Nouveau vélo...
Je m’appelle ‘Bianchi’
Vous pouvez voir ma photo dans les
catalogues ou sur internet.
Je ne suis pas né depuis longtemps. On
dit que je suis neuf.
Ma vie a commencé dans une usine où
des personnes m’ont assemblé. Puis ils m’ont mis dans un grand carton pour me
protéger. Depuis, je ronronne dans une jolie boutique où les cyclistes viennent me
voir.
Quand ils me regardent, il y a une
lueur d’envie dans leurs yeux. Ils me caressent avec leurs doigts. Ils
actionnent mes poignées. Ils tâtent mes pneus.
L’épouse des
cyclistes est parfois là.
Mais je ne ressens pas de jalousie de sa part.
Et puis un jour, un
cycliste m’a fait
sentir qu’il m’avait choisi. Que j’étais bien celui qu’il désirait !
Alors, le vendeur s’est occupé de moi.
Il m’a descendu de mon piédestal pour mettre mes pédales, régler la selle et
la potence. Il m’a nettoyé pour que je sois resplendissant. Dernière attention,
mes pneus ont été à nouveau bien gonflés.
Puis l’attente… J’étais un peu
inquiet.
Mon propriétaire est à nouveau là. Il
y a beaucoup de joie chez lui. Un peu de fébrilité aussi. La manière dont il me
tient n’est pas la même qu’avec les autres cyclistes dans la boutique.
Sur le parking du magasin, j’ai
découvert l’équilibre ! Tout seul, je n’y arrive pas. Mais avec lui, je roule,
je tourne. Ca n’a pas duré longtemps. J’ai l’impression qu’il est satisfait.
Il est rentré à nouveau dans la
boutique. Enfin, il m’a mis, avec beaucoup de soin, dans le coffre de sa
voiture.
Il m’a délaissé pendant une semaine
!!! Je l’ai vu plusieurs fois mais c’est tout. A quoi je sers ?
Et puis ce dimanche, très tôt, il est
venu me chercher avec son fils.
Tous les deux, ils ont une drôle de tenue… C’est pour être avec moi qu’ils se sont déguisés comme ça ?
Et nous voilà partis !
Ce que je peux dire, c’est que je ne
dois pas être le premier. Il a une façon de me conduire qui me fait penser qu’il
a une grande expérience. Tant mieux pour moi !
Et quelques centaines de mètres plus
loin, c’est l’arrivée !
Il y a d’autres cyclotouristes qui sont
déguisés comme lui. Il y a même un photographe qui me prend déjà en photo. J’ai
l’impression qu’ils m’attendaient. Ils savaient que je serai là !
Que la vie est agréable quand on est
apprécié !
Tous les yeux sont dirigés vers moi !
Je me sens un peu gêné ! Ils me regardent sous toutes les coutures. J’ai
l’impression d'avoir à faire à des connaisseurs. Ils scrutent mes dérailleurs,
mes roues, mon cadre !
Et ils font une chose délicieuse : ils
me soulèvent ! Certains par la selle et le guidon, d’autres par mon tube
horizontal. Le poids doit avoir de l’importance pour eux.
Mais que se passe-t-il ???
Tous les vélos partent dans la même
direction. La sortie n’est donc pas finie ?
…
Ils m’en ont fait voir de toutes les
couleurs !!!
J’étais tout propre, me voilà ‘crade’.
Ils m’ont fait passer par des
minuscules routes avec des revêtements douteux. Par moment, la route était
détrempée et je me suis sali. Plus loin, avec mon petit plateau, ils m’ont fait
monter des côtes qui ne mènent nulle part. Une épine s’est enfoncée dans mon
pneu : j’ai crevé. Tous les cyclotouristes ont rigolé de mon malheur. Heureusement, pour
me consoler, ils se sont mis à plusieurs pour me réparer !
Un peu plus tard, il y avait de la
terre en de nombreux endroits. A un moment, je me suis demandé si on n’allait
pas faire du VTT.
J’en ai vu des VTT qui revenaient dans
le magasin. Pas drôle.
Moi, je suis un vélo de course. Je
suis léger et fin. J’ai droit à des égards.
Mais, en écoutant les cyclotouristes, j’ai
bien senti que ce n’était pas habituel. Ils ont parlé d’orage, d’écoulement, de
glissement de terrain, de boue, de sable…
Par contre, je dois l’avouer, grâce à
eux j’ai découvert des paysages délicieux, des villages charmants. J’ai ressenti
aussi de la joie de vivre.
Alors, je suis prêt à y retourner la
semaine prochaine !
En ce moment, mon
cycliste, il me
nettoie. J’aime bien !
Daniel CLERC |