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Amour, colère, burn out... au crible de la science

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Comment l'enfant se construit avec les émotions

LES SOFT SKILLS PEUVENT-ELLES S'APPRENDRE ?

Stress et burn out, les maux du siècle

LES EMOTIONS GÈRENT NOTRE PORTE-MONNAIE

La musique, un langage des émotions

Dépression - De nouvelles thérapies en vue

L'intelligence émotionnelle contribue à une meilleure adaptation

Comment l'enfant se construit avec les émotions

Présentes dès la grossesse, les émotions sont le nerf de l'apprentissage.

L'enfant doit apprendre à les accueillir et à les réguler.

PAR OLIVIER DESCAMPS

 

Les émotions ne sont pas un bruit dans le système, elles alimentent les processus cognitifs de manière vertueuse

 

Certains débats pédagogiques ne cessent de faire rage.

D'un côté, les tenants d'un apprentissage basé sur les savoirs.

De l'autre, les adeptes d'une éducation centrée sur les attentes et les besoins des élèves.

D'un point de vue scientifique, ce clivage semble caricatural, car il n'existe pas de distinction entre les cerveaux émotionnel et cognitif. Même s'ils le souhaitaient, enseignants et élèves ne seraient pas capables de laisser leurs émotions au vestiaire.

Tant mieux, d'ailleurs, car il faut s'en servir.

"Les émotions ne sont pas un bruit dans le système, insiste Édouard Gentaz, professeur de psychologie du développement à l'université de Genève. Au contraire, elles alimentent les processus cognitifs de manière vertueuse."

Sans s'en rendre compte, les parents appliquent ce principe des le plus jeune âge de leur enfant. Personne n'aurait l'idée d'expliquer à un bébé que, pour marcher, il doit soulever le pied droit, se pencher vers l'avant, trouver un équilibre ... Avec des sourires et des propos rassurants, on l'encourage. On prend acte du fait que le plaisir de réussir est la base de l'apprentissage.

Et ça commence très tôt ... peut-être même avant la naissance !

En 2022, des chercheurs du département de psychologie de l'université de Durham, en Grande-Bretagne, ont enregistré via une échographie 4D les expressions faciales de 100 fœtus après que leurs mères ont mangé soit de la carotte, soit du choukale. Résultat : les bébés qui avaient "dégusté" la carotte affichaient un large sou- rire, là où ceux qui avaient reçu le chou kalé montraient un visage triste.

 

LES MIMIQUES DU FŒTUS

Déjà en 2011, ce même laboratoire avait relevé, grâce à des caméras à ultrasons, les mouvements des muscles faciaux de deux fœtus. Dans leur étude, publiée dans la revue Plos One, les chercheurs ont montré l'évolution des expressions faciales au cours de la grossesse, notamment entre le 24° et la 36° semaine de gestation : peur, tristesse, sourire ... qui entraineraient bébé, in utero, à communiquer à la naissance.

Directeur du laboratoire de psychologie du développement et de l'éducation de l'enfant (LaPsyDE, Sorbonne Université), Grégoire Borst regrette que, l'enfant grandissant, la confiance dans les émotions s'étiole et qu'à l'école, notation et sanction finissent par prendre le dessus.

Bien entendu, il ne faut pas mettre l'élève dans une situation où il ne se trompe jamais, car les erreurs sont formatrices. Ce reproche est souvent adressé à l'éducation positive qui fait de la compréhension des émotions et de la bienveillance les moteurs de l'apprentissage. Celle-ci est notamment accusée d'être une fabrique à enfants égocentriques et sans limites. Une critique un peu injuste, estime le chercheur, car elle ne cherche pas à comprendre les nuances qu'apportent les tenants de ce concept : "L'erreur ne doit pas être stigmatisée. On doit proposer à chaque enfant une sécurité émotionnelle lui permet- tant d'essayer. L'enseignement, ce n'est pas du dressage", insiste-t-il.

À l'école comme à la maison, parents et enseignants doivent trouver l'équilibre. Jongler entre des émotions comme la joie d'apprendre ou de faire plaisir, le regret et le soulagement, la curiosité ... Le tout "en tenant compte de la particularité des enfants qui ressentent tous des émotions différentes", recommande Edouard Gentaz. S'il est important d'apprendre a réguler, voire a filtrer ce que l'on ressent, plus question d'enfouir ses sentiments, comme l'ont trop longtemps recommandé les pédagogies traditionnelles. Les éducateurs doivent au contraire aider les enfants à accepter leurs émotions pour se construire. Faute de quoi ils risquent de ne pas être prêts quand elles débordent et génèrent ce que la pédiatre Catherine Gueguen appelle une "tempête émotionnelle".

 

MANGER POUR OUBLIER

L'intolérance à ses propres émotions, cela peut rendre malade. C'est, par exemple, l'une des causes des troubles du comportement alimentaire (TCA) qui touchent notamment les jeunes filles. Au-delà des prédispositions génétiques et des facteurs socioculturels, la recherche a mis en évidence qu'une per- sonne obese ou en surpoids peut manger pour oublier des émotions qui la dépassent. "Comme ce moyen de défense est très efficace, la personne a tendance à l'utiliser pour des événements de moins en moins importants, et développe une addiction", décrit Gérard Apfeldorfer, psychiatre et président d'honneur du groupe de réflexion sur l'obésité et le surpoids (Gros). Dans ce cas, se focaliser sur le seul comportement alimentaire, sans tenir compte de la problématique émotionnelle est contre- productif. Ainsi un régime finit-il le plus souvent ... par faire grossir, explique le médecin, "pour des raisons purement biologiques". Dans le système sanguin, en effet, la perte de poids génère une période d'euphorie. La rai- son ? La production de corps cétoniques, des substrats énergétiques alternatifs qui apportent de l'énergie au cerveau. Quand le jeune s'arrête, le TCA refait surface, surtout s'il est amplifie par un sentiment d'échec ou des discours culpabilisants. A contrario, une thérapie comportementale peut "aider à vivre avec ses émotions négatives, sans chercher à les fuir. Car si on lutte contre, on les empêche de disparaître". "

 

A l’adolescence, les émotions emportent tout !

 

L'adolescence est une période turbulente, durant laquelle tout change: explosion du système cognitif, éveil à la sexualité, ouverture sur le monde. La grande difficulté, pour l'adolescent, est de faire face aux bouffées d'émotions qui résultent de cet environnement mouvant. "Le système limbique qui les traite finit son développement vers 10-12 ans, tandis que le cortex préfrontal qui régule les fonctions émotionnelles se développe jusqu'à 20-25 ans, décrit le professeur Gregoire Borst.

Cela crée un décalage. Avant 12ans, on peut estimer que l'on a un équilibre.

Après 20-25 ans, on en a un autre.

Entre les deux, c'est plus compliqué". Comme aux autres âges de la vie, un mécanisme d'habituation se met en place, qui permet d'apprivoiser les émotions que l'on a déjà rencontrées, mais cette régulation peut prendre du temps. "En particulier si l'adolescent n'a pas eu, dès le plus jeune âge, des parents (ou d'autres personnes qui l'ont éduqué) pour le protéger", dixit Lauriane Vulliez Pédopsychlatre et professeure au CHU de Besançon, celle-ci se réfère à la théorie de l'attachement, formalisée aux États-Unis dans les années 1960, et qui montre qu'un enfant se construit durant les périodes de détresse en s'appuyant sur les réponses d'un adulte auquel il s'attache. Les ados capables de vivre cette période de crise sans trop de dommage sont ceux qui ont appris, grâce à ces "figures tutélaires", à se laisser traverser par leurs émotions, a les exprimer et à les réguler. "Cela ne les empêche pas d'entrer en conflit avec leurs parents, mais ils savent aussi qu’ils peuvent s'appuyer sur eux", insiste-t-elle.

 

OLIVIER DESCAMPS

 

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LES SOFT SKILLS PEUVENT-ELLES S'APPRENDRE ?

Héloïse  Rambert

 

Dans 1000 écoles maternelles et primaires, depuis janvier dernier, des petits Français reçoivent des cours d'empathie. Le dispositif est appelé à se généraliser à la rentrée prochaine.

But affiché du gouvernement: sacraliser à l'école un "temps où l'on apprend à respecter les différences de l'autre" et "une culture de l'apaisement quand il y a des conflits", notamment pour lutter contre le harcèlement scolaire.

L'empathie est ce qu'on appelle une soft skill -"compétence douce" ou compétence psychosociale en bon français. "La liste de ces compétences est longue", souligne Solenne Bocquillon-Le Goaziou, entrepreneuse, conférencière, autrice de Préparez aujourd'hui vos enfants au monde de demain et attachée au laboratoire de psychologie du développement et de l'éducation de l'enfant du CNRS.

 

"On distingue les compétences cognitives, qui incluent par exemple la confiance en soi, l'esprit critique et la persévérance. Les compétences émotionnelles, comme l'accueil des émotions et la résilience. Et enfin, les compétences relationnelles, qui permettent de collaborer et résoudre les conflits avec les autres." Le terme "Ife skills", parfois utilisé, résume bien l'utilité de ce bagage: il permet de vivre avec soi et avec les autres.

 

Les soft skills sont particulièrement recherchées en entreprise, où les hard skills-comprendre les diplômes et les compétences pures et dures, techniques et acquises-ne suffisent plus. "Avec l'arrivée de l'intelligence artificielle, ces savoir-faire connaissent l'obsolescence de plus en plus rapidement", souligne Nelly Magré, psychologue du travail, consultante en ressources humaines et autrice des Softskills pour les nuls. "Des compétences comme la créativité, qui permet d'alimenter 11A, ou l'esprit critique, pour prendre du recul sur ce qu'elle produit, vont être de plus en plus intéressantes."

 

Utiles, voire indispensables, les soft skills s'apprennent-elles? "La littérature scientifique montre que plus tôt on les cultive, meilleure est l'insertion", affirme Solenne Bocquillon-Le Goaziou. Quel que soit l'âge, un travail d'introspection -aidé ou non par des professeurs ou des outils numériques-, du bon sens et une mise en pratique en se focalisant sur ses points forts permettent de développer ses soft skills.

 

Encore faut-il en avoir vraiment envie. "Apprendre à devenir empathique, si on n'a pas sincèrement envie de s'intéresser aux autres, sera difficile", estime Nelly Magré.

 

Héloïse  Rambert

 

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Stress et burn out, les maux du siècle

Épuisement professionnel, parental, étudiant ...

Sommes-nous entrés dans "l'âge de l'anxiété" ?

Les "émotions positives" peuvent-elles nous protéger?

PAR KHEIRA BETTAYEB

 

Le stress correspond à une réaction physiologique tout à fait naturelle et utile ... quand il est ponctuel

 

Somatisation, difficultés a se concentrer, cynisme, perte de l'estime de soi ... le burn out survient après une exposition répétée et prolongée à des facteurs stressants.

 

Décrit pour la première fois en 1974, le burn out ("se consumer" en anglais) fait aujourd'hui un triste carton.

C'est l'un des exemples les plus emblématiques des maux liés à des émotions négatives. "Epuisement physique, émotionnel et mental qui résulte d'un investissement prolongé dans des situations de travail exigeantes sur le plan émotionnel" : voilà comment la Haute Autorité de santé (HAS) le définit. Dit aussi syndrome d'épuisement professionnel, car décrit pour la première fois dans le milieu du travail, ce trouble est désormais connu pour toucher également les parents, les étudiants et les sportifs. Mais, bonne nouvelle : "la gestion des affects négatifs et les émotions positives peuvent nous en protéger", assure Patrick Légeron, psychiatre à l'hôpital Sainte-Anne de Paris et coauteur d'un rapport de l'Académie de médecine sur le burn out, paru en 2016.

Dans le détail, il se caractérise par "un épuisement complet à la fois du corps et du psychisme, une perte des émotions allant jusqu'à l'indifférence et au cynisme ainsi qu'un sentiment de non- réalisation de soi accompagné d'une baisse de l'estime de soi", développe le médecin. Il survient après une exposition répétée et prolongée à des facteurs stressants, comme une charge de travail jugée insurmontable, de mauvaises relations avec des collègues ou son manager, un manque d'autonomie ou une perte de sens dans son activité.

"Le stress, lui, correspond à une réaction physiologique tout à fait naturelle et utile ... quand il est ponctuel", souligne le médecin.

À distinguer de l'anxiété et de l'angoisse-respectivement, une peur diffuse et une manifestation d'un malaise. "Le stress induit la libération de diverses hormones (adrénaline, cortisol ... ) qui augmentent les fréquences cardiaque et respiratoire, le niveau de vigilance et le taux de sucre sanguin ; ce qui permet de mobiliser nos ressources pour réaliser une tâche, ou combattre ou fuir un danger, précise Patrick Legeron. En revanche, s'il devient permanent, le stress est néfaste : submergé en permanence d'hormones 'activatrices', le corps entre alors dans une phase d'épuise- ment. Si celle-ci persiste pendant plusieurs mois, c'est le burn out."

 

LONG ET DIFFICILE A TRAITER

En 2017, les conclusions du rapport de la mission d'information relative au syndrome d'épuisement professionnel déposé à l'Assemblée nationale notaient la complexité de ce syndrome difficile à cerner au niveau biologique avec, néanmoins, des anomalies fonctionnelles au niveau du système immunitaire et une physiopathologie qui "s'apparente à celle de la dépression ou du syndrome de stress post-traumatique", note le rapport. Selon une étude de 2022, menée par Opinion Way, pas moins de 34% des salariés français seraient concernés, dont 13% seraient en burn out "sévère". Les plus exposes sont les moins de 29 ans, à 59% (+5% comparé à 2021) ; les femmes, à 46% (-1,5%) ; les télétravailleurs, à 45% (+5%) ; et les managers, à 43% (+10%). Concernant le burn out parental, en 2022, une étude de l'Ifop a révélé que 45% des mères françaises s'estimaient concernées ...

Les causes du récent boom de ce trouble ?

"Cela pourrait s'expliquer notamment par plusieurs mutations importantes survenues ces dernières années, qui ont rendu notre quotidien plus stressant : le phénomène d'hyper connexion à internet, responsable d'une charge cognitive permanente ; l'anxiété liée a la crise environnementale et au contexte économique et géopolitique actuel (guerres, inflation ... ); ou encore le recul dans nos sociétés de divers facteurs autrefois protecteurs contre le stress, telle la solidarité entre humains, l'empathie, l'entraide dans les familles, etc.", répond Patrick Légeron.

Une fois installe, le burn out est long et difficile à traiter : "plusieurs études montrent qu'il faut en moyenne un arrêt du travail durant deux ans, potentiellement combiné à des antidépresseurs et des thérapies comportementales et cognitives pour apprendre à se protéger du surmenage émotionnel et augmenter l'estime de soi", précise le psychiatre.

Le mieux est donc de le prévenir. Règle n°1 : adopter un mode de vie protecteur contre le stress (exercice régulier, bien dormir, relaxation ... ). Règle n° 2 : au bureau, à l'usine, construire des environnements qui ne le favorisent pas - "mais ce n'est pas une priorité dans le monde du travail", déplore le médecin. Une autre arme peut aider : les émotions positives. "Les travaux en psychologie positive nous ont appris que les émotions positives sont extrêmement protectrices vis-à-vis du stress. Il faut donc les cultiver." Comment, concrètement ?

 

"En se remémorant chaque soir des souvenirs positifs pour ne pas se focaliser sur les événements négatifs de la journée. Et en pratiquant des activités qui favorisent la survenue d'affects positifs (sorties entre amis, hobbies, etc.)", propose Patrick Légeron.

Rien de très difficile en soi. Le tout est d'y penser avant l'épuisement. "

 

KHEIRA BETTAYEB

 

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LES EMOTIONS GÈRENT NOTRE PORTE-MONNAIE

Lorsqu'il est question d'argent, nos décisions sont loin d'être rationnelles. La peur, la colère, l'envie ou la joie jouent un rôle fondamental, comme le montre l'économie comportementale.

PAR GABRIELLE TROTTMANN

 

Vu que les émotions ont longtemps été perçues comme des éléments perturbateurs : on considérait qu'il fallait les éliminer pour prendre de bonnes décisions ... ", rappelle Marie-Claire Villeval, directrice du groupe d'analyse et de théorie économique Lyon-Saint-Étienne (Gate-Lab). La réalité est plus complexe, comme le démontre l'économie comportementale. L'objectif de cette science à part ?

Évaluer le rôle des émotions (culpabilité, joie, empathie ... ) lors des prises de décisions économiques.

De quoi mettre à mal le mythe de l'Homo economicus, selon lequel nous tenterions de maximiser notre profit de façon rationnelle en toutes circonstances. Chaque année, des dizaines d'expériences sont réalisées par la quinzaine de chercheurs et de doctorants du Gate-Lab. Ceux-ci proposent à des volontaires de participer à des jeux qui les confrontent à divers choix. Leurs émotions sont passées au crible de différents appareils : des bracelets pour mesurer les pulsations cardiaques, des oculomètres pour savoir ce qui retient le plus longtemps leur regard, etc.

Voici, par exemple, une énigme que les chercheurs ont récemment tente de résoudre : prêter serment, comme le font certains banquiers aux Pays-Bas et en Belgique, rend-il plus honnête? Réponse : "Oui, car le sentiment de culpabilité et la peur d'être jugé retiennent les participants de rompre leur promesse", explique MarieClaire Villeval (les premiers résultats de cette étude sont en phase de prépublication).

Autre découverte intéressante : quand les cours de la Bourse évoluent de façon inattendue, les investisseurs qui subissent des pertes prennent davantage de risques que ceux qui observent les dégâts de l'extérieur. En cause, la colère et la peur, qui se répandent de manière contagieuse, selon une autre étude publiée en septembre 2023 dans The Economic Journal.

 

LE "JEU DE L'ULTIMATUM"

L'économie comportementale doit beaucoup à l'essor de la psychologie et des neurosciences. Voici un demi-siècle, elle est popularisée par une célèbre expérience : "le jeu de l'ultimatum". Principe : un premier joueur se voit proposer une somme d'argent, à partager avec un second joueur. Il doit décider quelle part il conserve et quelle part il donne à l'autre. Celui-ci peut alors accepter ou refuser le deal, mais dans ce dernier cas, aucun des deux joueurs ne reçoit d'argent.

Or, cette expérience démontre que l'on préfère généralement ne rien gagner, plutôt que d'accepter une répartition inégale des richesses, surtout si elle est en notre défaveur ... Le sentiment d'injustice serait donc plus fort que l'appât du gain. Une idée pas si révolutionnaire : les premiers économistes, en effet, jugeaient utile d'étudier nos états d'âme. Dès le XVIII* siècle, l'économiste écossais Adam Smith a écrit une Théorie des sentiments moraux qui souligne le rôle fondamental de l'empathie dans la définition des intérêts individuels. Et dans le futur? "L'intelligence artificielle ouvre des champs de recherche prometteurs pour l'économie comportementale", poursuit Marie-Claire Villeval.

"Avec le développement rapide de l'IA dans tous les domaines, nos choix en matière de consommation et d'investissement seront de plus en plus délégués aux machines. Quel contrôle garderons-nous sur ces choix?

Apprendrons-nous a mieux discerner les fausses images ou, au contraire, serons nous de plus en plus fragiles face au risque de désinformation sur les réseaux? Car les émotions restent fondamentales, conclut la chercheuse, même face aux robots."

 

GABRIELLE TROTTMANN

 

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La musique, un "langage des émotions"

Elle a le pouvoir de nous émouvoir ou de nous égayer, mais cette propriété sert bien d'autres fonctions, notamment cognitives.

MATHIAS CHAILLOT

 

Quelques notes, et c'est parti: la jambe s'agite, les souvenirs remontent et, parfois, les émotions nous écoute musicale déclenche une symphonie électrochimique dans notre cerveau. Pour commencer, elle stimule, dans le lobe temporal (dédié à la perception et à la mémoire), le cortex auditif primaire pour les sons simples, puis le cortex auditif secondaire, qui traite le rythme et l'harmonie. La partie émotionnelle s'active plus vite que les fonctions cognitives : la synchronisation cérébrale peut se produire en 250 millisecondes. "La musique est capable de nous faire voyager de manière très efficace dans un espace émotionnel, via ses expédients musicaux", explique Laura Ferreri, maîtresse de conférence en psychologie cognitive à l'université Lumière-Lyon II. "Un mode majeur et un tempo rapide auront une valence plus positive qu'un mode mineur et un tempo lent.

Cela permet à la musique non seulement de transmettre une émotion, mais aussi de l'induire." Une musique jugée agréable active le circuit de la récompense, impliquant le striatum ventral, le mésencéphale, l'amygdale, l'aire orbito frontale droite et le cortex préfrontal ventro médian. La dopamine est alors libérée dans le noyau accumbens : plus elle est diffusée, plus l'on ressent le "frisson musical". Laura Ferreri et ses collègues ont d'ailleurs démontré, dans une étude publiée en 2019 dans Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS), que l'inhibition de la dopamine empêche d'éprouver du plaisir à l'écoute de la musique, et qu'à l'inverse, l'administration d'un précurseur de la dopamine augmente son effet. En 2016, le chercheur Matthew Sachs, de l'université de Californie du Sud, cosignait un article dans le journal Social Cognitive and Affective Neuroscience, où il rendait compte des résultats obtenus dans une enquête menée auprès de 237 personnes, pour évaluer les réactions émotionnelles (y compris les frissons) à la musique.

Il a ainsi remarqué que les personnes qui ressentent le plus d'émotions musicales ont un nombre accru de fibres reliant les aires sensorielles au cortex préfrontal, région de la gestion des émotions. Et, selon le type d'émotion véhiculée, l'activité évolue : une musique angoissante activera plus spécifiquement l'amygdale-qui contrôle les sentiments de peur et d'anxiété-, tandis qu'une musique dissonante stimulera le gyrus temporal supérieur. L'anticipation joue un rôle primordial. Comme avec le langage, la structure musicale nous amène à anticiper les prochaines notes; un processus géré par le cortex auditif et le lobe frontal, connectes au système limbique. Lorsque les prédictions sont confirmées, la dopamine est relâchée. Une résolution inattendue, mais plaisante, entraînera une libération encore plus importante du neurotransmetteur.

 

ANCRAGE ANCESTRAL

La musique ne se contente pas de nous émouvoir : elle accompagne des taches cognitives complexes. En renforçant les connexions synaptiques, la dopamine favorise la potentialisation a long terme dans l'hippocampe. "Plus il y a de dopamine en circulation, plus grande est cette force synaptique, meilleure est la mémoire, rappelle Laura Ferreri. L'amygdale, connectée à l'hippocampe, permet aussi de mieux mémoriser des épisodes d'une forte valence émotionnelle. En modulant les émotions, la musique impacte donc les mécanismes de mémorisation." Un morceau peut ainsi réveiller des souvenirs très anciens, même chez des patients aux facultés cognitives dégradées, comme des malades d'Alzheimer, témoignant du puissant lien entre musique, émotions et mémoire.

Ecouter et produire de la musique est une caractéristique humaine depuis sans doute des milliers d'années. "Un des premiers ancêtres de l'homme a probablement utilisé pour la première fois sa voix pour produire de véritables cadences musicales, c'est-à-dire pour chanter", pensait déjà Charles Darwin en 1871.

Cet ancrage ancestral pourrait expliquer pourquoi le fœtus réagit à la musique avant la naissance. "Du point de vue évolutif, elle joue un rôle-clé dans la prise en charge des nourrissons, en modulant leurs émotions de façon plus efficace que le langage. Sans parler de son impact social sur la cohésion d'un groupe", précise la chercheuse en psychologie cognitive. D'ou le fait qu'un chant collectif ou une chorale agit plus activement sur la libération d'endorphines, apaisantes, et sur la baisse du taux de cortisol, lié au stress.

Les travaux de l'unité des neurosciences cognitives et affectives de l'université de Zurich, publiés dans PNAS en février dernier, ont également démontré qu'une musique provoque plus d'émotions lorsqu'elle est interprétée en direct par un musicien soucieux de s'adapter à son public. Des volontaires ont écoute une série de morceaux, sans savoir s'il s'agissait d'un enregistrement ou d'une version live.

Un pianiste observait leur activité cérébrale, captée par IRM, et faisait évoluer son jeu en conséquence. Résultat : l'activité émotionnelle dans l'amygdale était alors plus intense.

Les morceaux live stimulaient aussi un échange d'informations dans tout le cerveau, témoignant d'un traitement émotionnel et cognitif plus profond. La musique est donc bien un "langage des émotions", mais pas seulement : elle favorise également de nombreuses fonctions cérébrales et peut, après nous avoir émus, nous aider à penser et à agir.

 

MATHIAS CHAILLOT

 

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Dépression - De nouvelles thérapies en vue

Avec elle, l'émotion vire au noir ! La dépression est aussi commune qu'ardue à comprendre et soigner.

Kétamine, psychédéliques, stimulation magnétique ... de nouvelles thérapies se développent.

PAR FRANÇOIS MALLORDY

 

Entrée dans le vocabulaire médical et courant depuis le XIXe siècle, la dépression n'est pas un coup de barre auto- diagnostique ! Aujourd'hui, l'épisode dépressif caractérisé (EDC) est un trouble mental évalué sur la base de critères précis inscrits depuis 2013 dans le DSM-5, la dernière édition du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux. En 2021, en France, 12,5 % des 18-85 ans auraient vécu un EDC au cours des 12 derniers mois - une proportion en augmentation depuis 2010. "Dans un EDC, un patient doit remplir au moins cinq des neuf critères diagnostiques présents dans le DSM-5 sur une même période de 2 semaines, un des symptômes étant une tristesse ou une perte d'intérêt de manière intense et prolongée. Ces symptômes doivent avoir un retentissement important sur l'individu d'un point de vue social, professionnel ou personnel", résume Philippe Fossati, professeur des universités, chef du service de psychiatrie adulte à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière (Paris) et directeur de l'équipe de recherche "contrôle cognitif -interception- attention" a l'Institut du cerveau et de la moelle épinière (ICM).

 

En premier traitement d'un EDC, les recommandations actuelles conseillent différents médicaments antidépresseurs, notamment les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS), les inhibiteurs de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline (IRSNa), les imipraminiques et les inhibiteurs de monoamine-oxydase. Malgré des modes d'action différents, tous régulent l'humeur en agissant au niveau des synapses- ces zones de contact entre deux neurones. Et pas n'importe lesquelles: les synapses mono- aminergiques, où les neurones communiquent par des monoamines, une famille de molécules comprenant la sérotonine et la noradrénaline.

 

Certains spécialistes considèrent qu'une activité anormale de ces médiateurs chimiques, et notamment de la sérotonine, cause la dépression : c'est l'hypothèse monoaminergique. Toutefois, cette dernière est aujourd'hui remise en cause, et les effets antidépresseurs des médicaments "standards" restent mal compris. Ils apparaissent après plusieurs semaines, avec une proportion importante d'échecs : de 40% à 70% des patients ne répondent pas au premier traitement, et de 10% à 30% des patients présentent une dépression résistante à plusieurs traitements. Pour ceux chez qui les médicaments traditionnels ne suffisent plus, de nouvelles options apparaissent en recherche et en clinique. Au premier rang des espoirs figurent ... d'authentiques drogues, les psychédéliques-des substances hallucinogènes-et la ketamine ! De plus en plus d'essais cliniques indiquent que ces molécules peuvent agir de manière rapide et durable contre l'EDC. Ainsi, une étude publiée dans la prestigieuse revue médicale The New England Journal of Médicine (NEJM), en octobre 2023, a conclu à l'efficacité supérieure contre la dépression résistante, par rapport à la médication recommandée, d'un spray nasal à l'esketamine- forme particulière de la ketamine- en association avec un ISRS ou un IRSNa.

 

"DĖCROÛTER"

LA PERCEPTION NEGATIVE DE SOI

Psilocybine (principe actif des "champignons magiques"), LSD, ayahuasca ... Par rapport à la kétamine, les psychédéliques sont moins avances en thérapie -ils ne sont pas encore déployés dans les cliniques en France, en raison des précautions vis a-vis du "trip" hallucinatoire de quelques heures qu'ils provoquent. Mais c'est précisément cette expérience qui produirait des effets thérapeutiques: "Les psychédéliques entrainent un bouleversement aigu du réseau du mode par défaut, un ensemble de régions cérébrales qui intervient dans la conscience de ses propres états mentaux et qui est hyper connecté chez les personnes déprimées", détaille Philippe Fossati. En reconfigurant ce réseau par l'augmentation de sa connexion à d'autres zones cérébrales, les psychédéliques pourraient "décrouter" la perception négative de soi des personnes déprimées. Après un premier grand essai concluant pour la psilocybine contre la dépression résistante publié dans NEJM en novembre 2022, des essais internationaux ont commencé en 2023. Plusieurs hôpitaux français, dont la Pitié-Salpêtrière, le service hôpital- universitaire de Sainte-Anne (Paris) et le CHU de Nîmes se joindront prochainement à ces études en proposant un accompagnement spécifique des patients -une dose unique, répétée ultérieurement, sera administrée dans une salle à l'hôpital sous la surveillance de professionnels de la santé mentale, tandis que les patients seront suivis en psychothérapie. "Cela illustre que différents types de traitements, ici un médicament et une psychothérapie, peuvent être associés pour perfectionner la prise en charge", remarque Philippe Fossati.

 

Des approches non médicamenteuses dans le traitement de l'EDC s'améliorent aussi, comme la stimulation magnétique transcrânienne répétée (rTMS). Celle-ci consiste à envoyer des impulsions magnétiques sur certaines régions du cortex cérébral pour en modifier l'activité neuronale. "Le problème de la rTMS actuelle, c'est comment, quand et où stimuler pour observer des effets thérapeutiques", constate Philippe Fossati. Depuis 2021, un nouveau protocole dit "de Stanford" réveille la discipline. Ce dernier entraîne un taux de réponse et de rémission de l'EDC beaucoup plus important que les précédents, ravivant les espoirs placés dans la rTMS. Enfin, l'arrivée du numérique en santé mentale pourrait optimiser le soin et améliorer la détection des rechutes, "à condition que l'intelligence artificielle ne s'immisce pas dans la relation avec le patient au point que l'on ne voie plus le malade, ce qui est nécessaire en psychiatrie", prévient Philippe Fossati. Lance en 2019 par une start-up de l'ICM, ViK Dépression propose par exemple un compagnon virtuel pour aider les patients dépressifs à suivre leur traitement. En attendant la démocratisation de ces nouveaux traitements et outils, la recherche continue, avec toujours plus de pistes explicatives de la dépression : "L'inflammation dans le cerveau pourrait jouer un rôle important dans la dépression, de même qu'une dysrégulation du métabolisme, ou à un degré moindre le microbiote intestinal", énumère Philippe Fossati. Des hypothèses qui s'accompagnent d'idées thérapeutiques originales, avec plusieurs essais cliniques évaluant des anti-inflammatoires ou des probiotiques dans le traitement de l'EDC ... sans résultats notables pour l'instant.

 

La stimulation magnétique transcranienne répétée (rTMS) est utilisée au centre d'évaluation et de traitement de la douleur de l'hôpital Ambroise-Pare, a Boulogne-Billancourt. En 2020, des chercheurs de l'université de Stanford annoncaient un taux de rémission de plus de 80% chez 19 patients dépressifs sur 22 grâce à cette technique.

 

Ci-dessus. une molécule d'eskétamine, utilisée comme anesthésiant, mais aussi en cas de dépression sévère.

Ci-contre, les champignons psilocybes. dont la substance active psychotrope est testée depuls 2023.

 

Les psychédéliques entraînent un bouleversement aigu du réseau du mode par défaut

 

FRANÇOIS MALLORDY

 

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"L'intelligence émotionnelle contribue à une meilleure adaptation"

Selon Moïra Mikolajczak*, de l'université  catholique de Louvain,

et Marcello Mortillaro, de l'université de Genève,

l'intelligence émotionnelle est bénéfique pour la santé mentale, physique, et pour les relations sociales et amoureuses.

PARRIVA BRINET-SPIESSER

 

Nous ne disons pas qu'il faut toujours exprimer et réguler ses émotions, mais avoir la capacité de le faire permet de l'utiliser à bon escient

 

SVHS: Comment définir le terme d'intelligence émotionnelle ?

Moïra Mikolajczak :

C'est une notion globale qui revêt en réalité un ensemble de compétences distinctes. Il s'agit de notre capacité à reconnaître des émotions, à les comprendre, à les exprimer et, ensuite, à les réguler, que ce soit pour ses propres émotions ou pour celles des autres. Attention, nous ne disons pas qu'il faut toujours exprimer et réguler ses émotions, mais avoir la capacité de le faire permet de l'utiliser à bon escient.

 

SVHS : La notion d'intelligence émotionnelle acété popularisée dans les années 1990 par l'ouvrage du docteur en psychologie et journaliste Daniel Goleman. Le succès de ce livre n'a-t-il pas galvauda ce courant de la psychologie ?

 

M.Mi. : Cet ouvrage a fait autant de bien qu'il a causé de tort. Il a mis en lumière l'importance de ce sujet pour notre société, mais beaucoup d'affirmations n'avaient aucun fondement scientifique, comme le fait que le quotient émotionnel (QE) serait deux fois plus important dans la prédiction du succès que le quotient intellectuel (QI). L'approche de Goleman a vite été démontée, cela a créé un débat ... auquel, au final, on doit beaucoup !

 

Marcello Mortillaro: De mon point de vue, la popularité de ce livre n'a pas forcement fait du bien a la recherche. Pendant longtemps, une partie des chercheurs ont considéré que ce courant manquait de fondement scientifique. Encore aujourd'hui, un certain nombre de personnes s'autorisent à parler d'intelligence émotionnelle parce qu'elles considèrent avoir une expérience personnelle du sujet. Or, avoir une opinion basée sur du vécu n'a rien à voir avec émettre une vérité scientifique.

 

SVHS: Pourquoi s'intéresser autant a cette "autre" forme d'intelligence ?

 

M.Mo. : Parce que nous disposons d'un nombre exceptionnel de meta-analyses qui vont toutes dans le même sens : elles montrent qu'avoir une bonne intelligence émotionnelle apporte de nombreux bénéfices dans les domaines les plus importants de la vie. Nous l'étudions justement pour mieux comprendre comment tout cela se met en place.

 

M.Mi. : Les bénéfices d'une bonne intelligence émotionnelle sont en effet très documentés : des gains sont prouves sur la sante mentale, la santé physique, dans le domaine des relations sociales et amoureuses. Dans le milieu professionnel, l'intelligence émotionnelle contribue à une meilleure adaptation et renforce la productivité et la satisfaction au travail. En réalité, tous ces bénéfices sont imbriques : avoir une meilleure santé mentale vous rend par exemple moins sensible au stress et permet une meilleure relation entre collègues.

 

SVHS:Cette intelligence émotionnelle pourrait-elle prendre le pas sur l'intelligence cognitive, celle que l'on mesure par le QI ?

 

M.Mo. : Je ne crois pas qu'il faille mettre en compétition les différentes formes d'intelligence. Nous savons aujourd'hui que la réussite d'un individu ne peut être expliquée uniquement par l'intelligence cognitive et qu'il faut intégrer d'autres notions, comme l'intelligence émotionnelle ou les traits de personnalité. Pour nous améliorer, nous devons travailler ces trois paramètres simultanément.

 

M.Mi. : Accorder la prééminence à l'une ou l'autre de ces notions masquerait les variabilités interpersonnelles qui sont fortes. Certaines personnes peuvent avoir un QI modeste, mais compenser par une intelligence émotionnelle plus élevée, et vice versa. Ceci n'est vrai que dans une certaine mesure, car chaque forme d'intelligence repose sur des processus distincts.

 

SVHS : Mesurer l'intelligence émotionnelle comme on mesure le QI est-il aujourd'hui possible ?

 

M.Mi. : Nous y travaillons, mais ce n'est pas chose aisée. L'enjeu est de réussir à capter l'intelligence émotionnelle par des tests simples et prédictifs du comportement et de la réussite d'un individu.

Il faut que nos tests prévoient ce que l'intelligence émotionnelle est censée prédire : une bonne santé, de meilleures relations, etc.

De plus, mesurer une compétence émotionnelle est chose délicate : comment puis-je évaluer la capacité d'un individu à comprendre ses émotions alors que je ne sais pas moi-même ce qu'il ressent? Quant à mesurer la capacité à reconnaître les émotions des autres, nous faisons face à des stratégies très variables selon les personnes. Certaines observent les expressions faciales, d'autres les variations de la voix, d'autres encore sont très douées pour déduire de l'information à partir du contexte dans lequel se trouve l'individu. Certes, nos tests ne sont pas encore aussi bons que ceux développés par les chercheurs en intelligence cognitive ... Mais ceux-ci ont des décennies d'avance !

 

M.Mo. : Je serai moins critique ! Tout ce que nous affirmons aujourd'hui sur les bénéfices de l'intelligence émotionnelle vient du fait que l'on a pu mesurer ces compétences. Nous avons à disposition des tests solides d'auto-évaluation des émotions, et des tests de performance où l'on doit, par exemple, identifier la plus probable émotion sur le visage de quelqu'un d'autre. Nous avons certes des progrès à accomplir, mais pour certains aspects de l'intelligence émotionnelle, nous pouvons faire confiance aux tests scientifiques dont nous disposons.

 

SVHS : Ces compétences émotionnelles sont-elles innées ou a-t-on une chance de pouvoir les développer au cours de sa vie ?

 

M.Mi. : Nous disposons de peu d'études, mais celles réalisées suggèrent une composante héréditaire de l'ordre de 40%, ce qui est un peu plus faible que pour l'intelligence cognitive. Les 60 % restants sont liés à des facteurs environnementaux.

 

M.Mo. : J'accorde peu d'importance aux chiffres pour définir la part de l'inné et de l'acquis. Pour moi, l'intelligence émotionnelle est avant tout une potentialité que chacun de nous possède à la naissance et qui se développe très vite si l'influence de notre environnement familial le permet. Le cas du petit garçon qui s'interdit de pleurer, car "ça ne se fait pas pour un homme", est un exemple criant. Ensuite, les opportunités d'interaction que la vie nous offre permettent de développer plus ou moins ces compétences.

 

M.Mi. : Il existe aussi des ateliers de groupe pour travailler son intelligence émotionnelle. Les études montrent que les résultats se maintiennent dans le temps, au-delà d'une année, des lors que les formations abordent les compétences dans leur ensemble et non séparément. Cela s'explique par le fait qu'elles sont liées entre elles : pour réguler l'émotion de l'autre, je dois la reconnaître, la comprendre et réguler d'abord la mienne.

 

SVHS: Comment envisagez-vous l'avenir des recherches sur l'intelligence émotionnelle ?

 

M.Mo. : Nos connaissances scientifiques sont maintenant suffisamment robustes pour les faire sortir de nos laboratoires ! On trouve sur internet des dizaines de formations sur l'intelligence émotionnelle sans connaître leur bien-fondé. J'aimerais que l'on propose des offres accessibles à la société qui soient validées scientifiquement. Il y a un grand mouvement aux Etats-Unis, soutenu par le Yale Center for Emotional Intelligence, pour intégrer le "social emotional learning" dans les écoles et proposer un ensemble d'outils aux enseignants. Il faudrait aller au-delà du cadre scolaire et le développer dans le milieu du soin, par exemple, dans lequel la charge émotionnelle est très élevée, avec la possibilité de faire un suivi des résultats observés.

 

M.Mi. : Nous devons résoudre un autre problème : 95 % des recherches sur l'intelligence émotionnelle sont issues du monde occidental, les continents africain et sud-americain sont sous-représentés. On se prive de tout un savoir, complémentaire au nôtre, alors que l'on sait qu'il y a des différences culturelles dans le traitement des émotions ; celles-ci ne sont pas valorisées ou proscrites de la même manière que chez nous. "

 

* Docteure en psychologie et professeure à l'université catholique de Louvain.

** Responsable de l'unité sciences affectives appliquées au centre inter facultaire en sciences affectives (Cisa) de l'université de Genève.

 

95% des recherches sur l'intelligence émotionnelle sont issues du monde occidental, les continents africain et sud-américain

sont sous-représentés

 

PARRIVA BRINET-SPIESSER

 

Champignons Les secrets de leurs génomes se dévoilent

Yves Sciama  - Science & Vie 1284 - Septembre 2024

Champignons Les secrets de leurs génomes se dévoilent

Le réseau biologique d'Yves Sciama

 

Fabrication de médicaments, création de matériaux, élimination des déchets, réduction des émissions de CO2 ... C'est à tout cela que participent les champignons. Et on commence à comprendre pourquoi.

 

Admirez ce parterre de champignons, avec leur tronc fin et leur chapeau jaunâtre. Vous les avez sûrement déjà croises lors de vos balades champêtres. Il s'agit de mycènes, un genre très commun compose d'une myriade d'espèces. A priori, ils n'ont rien de particulier. Et pourtant, ils ne cessent de nous stupéfier. Voyez plutôt : en juin dernier, des chercheurs ont révélé que la plupart de ces mycènes possèdent un génome gigantesque, jusqu'à 97 030 gènes codants. L'humain, lui, n'en a qu'environ 20 000, soit cinq fois moins !

 

Comment est-ce possible ? Selon les scientifiques, ce serait grâce a de fascinantes stratégies génétiques. D'abord, les mycènes se seraient dotes, au cours de l'évolution, d'un nombre et d'une proportion (environ 60 %) exceptionnels de "gènes sauteurs" ou transposons. Ce type de gènes, que l'on retrouve aussi chez l'humain, sont capables de se déplacer dans le génome, d'y proliférer, et de générer de nombreuses mutations, donnant ensuite naissance à des gènes inédits, parfois très utiles. De véritables catalyseurs de l'évolution. "On estime que ces transposons ont donné les familles de gènes impliquées dans la dégradation de la matière organique et celles spécialisées dans la colonisation des racines des plantes. Cela expliquerait leur talent de décomposeurs et leur aptitude à la symbiose", s'émerveille Francis Martin, écologue forestier a l'Inrae Nancy et coauteur de l'étude.

 

TRANSFERT GÉNÉTIQUE HORIZONTAL

Ce n'est pas tout : les mycènes auraient aussi emprunte des centaines de gènes à d'autres familles de champignons. Cette prouesse - dite du "transfert génétique horizontal" - peut se faire de différentes façons : par la transmission d'un fragment d'ADN d'un filament mycélien a un autre, via un virus transportant des morceaux de génome ou lors de l'absorption d'un organisme mort.

Cette méthode leur aurait permis de gagner encore en compétence, renforçant par exemple leurs défenses face à certains parasites. Voila donc un génome gigantesque et riche de compétences dont les scientifiques commencent à peine a mesurer l'ampleur !

Reste que le champignon que l'on voit en foret n'est que la partie émergée de l'iceberg. Il s'agit de l'organe reproducteur qui sert a porter les spores, analogues a des graines. Pour trouver d'ou viennent ses pouvoirs, il faut plonger a la base de son pied : enfonce dans la terre se trouve le mycète, l'organisme a l'origine de toutes les stupéfactions. C'est un énorme réseau de filaments invisibles (les hyphes), constamment en train de s'allonger, de se fragmenter et de se remodeler - un vrai alien ! Il est si différent des animaux et des plantes qu'au milieu du XXe siècle, les scientifiques ont crée pour lui un règne à part dans la classification du vivant, le règne fongique.

 

DES AS DU RECYCLAGE

Des décennies plus tard, les champignons passent un nouveau cap. Pour la plupart des chercheurs, ce groupe a beaucoup moins été l'objet de recherches que les animaux et les plantes, alors que ses superpouvoirs pourraient résoudre bien des problèmes de l'humanité. Et dans de nombreux domaines ! A commencer par le recyclage : "Grace a leur cocktail de puissantes enzymes et d'acides, les mycètes peuvent décomposer des substances parmi les plus récalcitrantes", décrit Merlin Sheldrake, mycologue à l'Université libre d'Amsterdam (Pays-Bas), dans son fascinant livre Le Monde cache. Rien - ou presque ! - ne leur résiste, du pétrole brut aux polyuréthanes, en passant par l'explosif TNT ou la lignine, le composant le plus résistant du bois.

Et les chercheurs ont déjà réussi a faire décomposer toutes sortes de plastiques et de polluants problématiques (lire p. 105) par des mycètes qui les convertissaient en molécules biodégradables. Car la ou les plantes se sont spécialisées dans l'assemblage de grandes molécules - avec l'énergie solaire pour moteur -, les champignons ont plutôt choisi la voie du désassemblage, récupérant l'énergie au passage. Un rôle précieux, car les molécules simples issues de leur travail peuvent ensuite être réabsorbées par les plantes ou les animaux. C'est clair : sans eux, les plantes n'auraient pas accès à nombre de minéraux. Surtout, le vivant ne tarderait pas à suffoquer sous le poids de ses déchets : végétaux morts et cadavres encombreraient prairies et forêts. Privées des nutriments qu'ils contiennent, les plantes s'étioleraient peu à peu.

De plus, le mycète se comporte de façon très étrange, défiant notre logique habituelle. Ainsi, il ne se nourrit pas comme nous, en incorporant ses aliments. Il pousse au contraire a travers eux, les digère a l'extérieur de son corps en sécrétant des enzymes, puis les intègre. Son organisme est une sorte de chimiorécepteur géant : lorsqu'il détecte la présence d'eau ou de nutriments, il pousse dans la direction du gisement puis s'y ramifie pour en absorber le maximum avant de poursuivre sa quête. Chaque tète de filament est a la fois une partie du tout et un organisme a part, qui "choisit" vers ou se diriger, a quelle vitesse, et s'il faut se diviser ou pas. Et ce, "sans que l'on comprenne vraiment quels types de signaux circulent et régissent ces changements", décrit Merlin Sheldrake. Selon lui, il pourrait aussi bien s'agir de communication chimique qu'électrique ... La recherche tente encore de déceler les mécanismes en jeu. Enfin, si un coup de bêche, par exemple, coupait le mycète en deux, chaque partie poursuivrait sa vie, désormais indépendante.

 

L'UN DES FONDEMENTS DE LA VIE SUR TERRE

Mais l'un des talents les plus remarquables des mycètes - conséquence sans doute de leurs dons de chimistes -, est la créativité avec laquelle ils interagissent avec les autres êtres vivants. Ce sont des champions de la relation, aussi habiles a s'allier et servir diligemment qu'à trahir, manipuler, parasiter, et parfois tuer ... Quantité d'amateurs de champignons imprudents en ont fait les frais. Par ailleurs, de nombreux médicaments, aussi bien antibiotiques qu'anticancéreux ou psychotropes, nous viennent de cette inventivité chimique.

On le comprend a présent, la relation intime des mycètes avec les plantes est l'un des fondements de la vie sur Terre : les premiers végétaux - des algues -, dépourvus de racines, se sont allies avec les champignons pour sortir des eaux, troquant leurs sucres contre la protection, les sels minéraux et l'ancrage que ceux-ci leur offraient. Cette relation s'est raffinée et diversifiée durant plus de 500 millions d'années de coévolution : aujourd'hui, les filaments mycéliens colonisent plus de 90 % des végétaux terrestres selon une diversité de modalités extraordinaire, soit en entrant au cœur des cellules des plantes, soit en circulant entre leurs parois, soit en enveloppant leurs racines ... voire les trois à la fois.

"Les mycètes sont des ingénieurs ecosystemiques, ajoute Toby Kiers, biologiste a l'Université libre d'Amsterdam, et grande spécialiste de ces organismes. Ils permettent aux plantes de manger la roche grâce à leurs capacités chimiques. Et ils stockent une partie importante du carbone terrestre dans leurs filaments, formant des sortes d'échafaudages avec leurs hyphes, qui retiennent les sols et les structurent." C'est ce qu'elle a montré avec ses collaborateurs en 2023 : les mycètes enfouiraient chaque année le tiers des émissions de dioxyde de carbone de l'humanité, soit 13 milliards de tonnes de CO ! "Une estimation sans doute très prudente", juge Toby Kiers, qui est persuadée que l'on pourrait considérablement booster, en s'appuyant sur les mycètes et leurs relations avec les plantes, l'absorption naturelle des gaz à effet de serre.

Enfin, les matériaux synthétises par les mycètes commencent à être explorés par quelques start-up bio-inspirées.

"L'agriculture pourrait connaître une véritable révolution mycologique", affirme Marc-André Selosse, écologue au Muséum national d'histoire naturelle de Paris. Mais il faudrait, pour cela, que les agronomes parviennent à mettre aux services des plantes cultivées les capacités d'adaptation a la sécheresse et à la recherche de nutriments des mycètes.

Ces derniers sont, selon le chercheur, l'une des clés pour réduire drastiquement la consommation en eau et en engrais de nos cultures. De quoi se dire que, 500 millions d'années âpres la grande symbiose que les mycètes ont nouée avec les plantes, le temps est venu d'une alliance entre eux et les humains.

 

Les champignons ont la faculté de ... ... s'allier avec les plantes 90 % des végétaux sur Terre forment des symbioses avec les champignons : en échange de carbone, les plantes récupèrent davantage d'eau et de nutriments. ... recycler le vieux bois

 

Les enzymes des mycètes décomposent les molécules du bois qualifiées de "récalcitrantes" par les scientifiques - car elles résistent particulièrement à la décomposition, à l'instar de la lignine - et les rendent assimilables par les plantes.

 

... stabiliser et nourrir le sol

Les mycètes le protègent contre l'érosion, aggravée par l'intensification des pluies liée au dérèglement climatique. Ils agrègent les particules minérales et organiques avec leurs secrétions, et les enserrent dans leur réseau filamenteux.

 

... manipuler certains animaux

Certains mycètes peuvent, par exemple, forcer les fourmis qu'ils ont parasitées à monter sur des végétaux afin qu'elles soient mangées par les animaux. Ainsi, les champignons sont disséminés via les excréments de ces derniers.

 

... coloniser la plupart des surfaces

Les mycètes ont réussi a se développer sur bon nombre de surfaces, parfois 'inhospitalières. C'est notamment le cas des roches nues où l'on retrouve des lichens (alliance mycète/ plante), sur lesquels s'accrochent d'autres végétaux.

 

... décomposer la roche mère

En s'insinuant dans les failles et les pores des pierres, tout en secrétant des acides et des enzymes, les mycètes fragmentent les roches. Ce faisant, ils rendent certains éléments disponibles pour les plantes.

 

Ils ont conquis le monde

Grace notamment a leur génome très étendu, les champignons se sont adaptes a quasiment tous les environnements terrestres, colonisant la presque totalité du globe, des déserts aux montagnes jusqu'aux régions de l'Arctique.

Exploiter leurs superpouvoirs nous permettrait de ...

De plus en plus de matériaux en mycélium - mélange de chitine, de glucanes, de sucres et de lipides - sont mis sur le marché car ils offrent une alternative intéressante à certains plastiques. Issus de déchets organiques (sciure, paille ... ), ils sont entièrement biodégradables et possèdent de nombreuses propriétés : isolants, élastiques, imperméables, riches en carbone, etc.

 

... créer des matériaux verts

... synthétiser des médicaments

Ils sont une mine de substances pharmaceutiques. Pour se protéger, ils produisent de nombreux antibiotiques et des substances antifongiques. Habiles a coloniser d'autres organismes, ils fabriquent aussi des immunosuppresseurs et sont source de psychotropes puissants (photo : Psilocybe cubensis ), sans doute pour manipuler le système nerveux de leurs hôtes.

 

... lutter contre les ennemis des cultures

De nombreux mycètes ont la capacité de parasiter, voire de tuer de manière ciblée certains insectes et végétaux. C'est le cas des champignons entomopathogènes Cordyceps et Purpureocillium. S'inspirer de leurs stratégies de biocontrôle pourrait nous fournir des armes biologiques pour lutter contre les parasites qui dévorent les cultures.

 

... recréer des sols fertiles

Grâce à leurs hyphes, les mycètes maintiennent la cohésion du sol. De plus, les champignons synthétisent ou rendent bio disponibles nombre de molécules indispensables aux plantes, permettant au réseau racinaire de se déployer (photo). La réhabilitation des sols épuisés par l'agriculture intensive suppose donc de rétablir des populations de mycètes diversifiées.

 

... améliorer des aliments

Certains aliments (pain, bière, fromage ... ) sont issus de la fermentation par des champignons. Cette technique favorise la conservation en éliminant les pathogènes et produit des nutriments essentiels, tels que les acides aminés. Davantage s'en inspirer nous permettrait d'améliorer la qualité de notre alimentation.

 

... éliminer nos déchets

Les mycètes seraient capables de digérer des substances très résistantes à la biodégradation (plastiques, mégots, couches-culottes, pesticides ... ) et certains produits toxiques (médicaments, phénols, métaux lourds ... ). Ici, des Trametes versicolor, efficaces pour éliminer le fioul.

 

SOMMES-NOUS MAITRES DE NOS CHOIX ?

LE LIBRE ARBITRE A L’EPREUVE DES NEUROSCIENCES

ANNE DEBROISE - Science & Vie 1280 - mai 2024

SOMMES-NOUS MAITRES DE NOS CHOIX ?

LE LIBRE ARBITRE A L’EPREUVE DES NEUROSCIENCES

PAR ANNE DEBROISE

 

« Illusoire », assènent les uns ! "Tout à fait réel", s'écrient les autres ! Le libre arbitre, cette faculté qui nous permettrait de faire des choix en toute conscience, agite les débats dans les neurosciences depuis 50 ans. Or voilà que de nouvelles techniques d'imagerie et d'analyse l'éclairent sous un nouveau jour. Certes, toutes nos décisions sont influencées par notre inconscient, nos émotions, ou encore la société. Mais ça ne signifie pas qu'un libre arbitre n'existe pas pour autant ... Plongeons dans les méandres du cerveau humain, à sa rencontre.

 

Avez-vous eu le choix d'attraper ce magazine, de l'ouvrir et de lire ces quelques lignes ? Bien évidemment !

 

Et d'ailleurs, pour cette décision comme pour les autres, vous êtes même capable d'identifier les motivations qui vous ont guidé. N'est ce pas là la preuve de notre libre arbitre, ce merveilleux phénomène qui fait que chacun d'entre nous est absolument unique? Pas sûr: tout ceci pourrait n'être qu'une illusion, une simple histoire que nous nous racontons pour justifier nos actions après coup. C'est en tout cas la théorie développée par le neuroendocrinologiste américain Robert Sapolsky, dans son livre Determined (Déterminés), publié fin 2023. Le chercheur y soutient que nous n'avons aucune prise sur nos choix.

 

Selon lui, nos actions seraient le résultat de l'influence de nos émotions, de notre état physiologique, de notre génétique, de nos expériences, et d'une culture dont les racines plongent très loin dans le passé. Le chercheur en arrive même à appeler à une réforme de la justice: si, finalement, l'humain n'est pas libre de ses choix, alors il ne peut être tenu responsable de ses actions!

 

Evidemment, cette théorie provocatrice ne fait pas consensus et, fin 2023, un autre chercheur a publié un livre à la conclusion dia  Free Agents (Agents libres), Kevin Mitchell, professeur assistant de génétique et de neurosciences au Trinity Collège de Dublin (Irlande), défend l'existence d'un libre arbitre dans l'humanité. Mais pas seule ment: prenant comme point de départ l'évolution, il argumente que celle-ci a doté tous les organismes vivants, jusqu'aux bactéries, de la capacité de faire des choix éclairés.

 

L'ONDE DE PRÉPARATION

Après avoir fasciné philosophes, sociologues et théologiens, voilà donc que l'existence du libre arbitre déchire la communauté scientifique. Et si nos deux experts semblent se répondre par livres interposés, ce n'est pas un hasard: les neurosciences sont en train  d'aborder un véritable tournant. Grâce aux nouvelles techniques, les chercheurs peuvent désormais enregistrer l'activité individuelle de chaque neurone. Et avec l'essor des outils d'analyse de données, ils espèrent pouvoir rattacher ces enregistrements à des comportements humains. Ainsi, l'espoir de dénicher le signal qui mettra tout le monde d'accord n'a jamais été aussi grand. Car depuis un demi-siècle, c'est un autre signal qui attise les débats dans la communauté: celui obtenu dès 1983 par le psychologue amé ricain Benjamin Libet. Dans une expérience devenue célèbre, le chercheur demandait à des participants d'appuyer sur un bouton mais aussi de retenir, à l'aide d'une horloge, l'instant précis où ils avaient décidé de le faire. Pendant ce temps, des électrodes posées sur la surface du crane des volontaires enregistraient les courants électriques de leurs neurones sous jacents. Résultat: l'onde de préparation, un signal typique qui précède un mouvement, se formait ... 200 ms avant la prise de décision !

 

LOIN DE NOTRE MAÎTRISE

D'où cette conclusion qui a mis le feu aux poudres: l'intention d'agir n'est pas la cause de l'action, il se passerait quelque chose avant, loin de notre maîtrise. Autrement dit, nos décisions tiendraient de l'in conscient ... et le libre arbitre n'existerait pas. Bien entendu, depuis les années 1980, cette expérience a été répliquée de nombreuses fois, à l'aide de nouvelles techniques, notamment avec l'arrivée des IRMf  (qui permettent de visualiser l'activité des neurones). Et son résultat est toujours resté identique. Sauf que certaines variantes l'ont tout de même contestée ! Par exemple, si le volontaire sait que presser le bouton va avoir des conséquences comme déclencher une donation, le signal préparatoire ne précède plus la décision. Alors quoi? "Le concept de libre arbitre renvoie à des comportements autrement plus élaborés que de bouger le poignet", fustige Bernard Feltz, professeur émérite à l'Institut supérieur de philosophie de l'UC Louvain. Depuis 50 ans, les deux écoles s'affrontent donc à coups d'arguments bien rodés. Par tons a leur rencontre, à la recherche de ce libre arbitre si difficile à capturer. Il vous suffit de tourner la page vous avez le choix ...

 

 

DE MULTIPLES INFLUENCES DERRIERE CHACUN DE NOS CHOIX

S'ils paraissent souvent réfléchis et éclairés, nos choix résultent toujours, en fait, d'un complexe engrenage cérébral gouverné par notre inconscient.

 

Rester à la maison ou sortir ? Fromage ou dessert? "Je le veux" ou non?

Qu'ils soient anodins ou déterminants pour notre futur, tous nos choix résultent d'une opération cérébrale. Les psychologues suspectaient donc l'existence, dans le cerveau, d'un mécanisme évaluant les différentes options et orientant le choix vers celle qui avait notre préférence ...

Or, ces dernières années, les neuroscientifiques ont prouvé que c'était bien le cas. Mieux: plusieurs des structures cérébrales impliquées dans le processus de décision ont été identifiées. Et contrairement à ce que l'on pourrait croire, certaines d'entre elles prennent racine très profondément dans le cerveau, là où même la lumière de la conscience ne pénètre pas. Nos choix s'appuient donc sur une large part d'inconscient.

 

DANS LE CORTEX ORBITO-FRONTAL

Toutefois, avant de s'aventurer dans les tréfonds de notre encéphale, encore faut-il définir ce qu'est la conscience. Si plusieurs théories s'affrontent à son sujet, toutes la définissent comme la capacité à nous rapporter nos propres états et ressentis mentaux. Et toutes la voient émerger dans le cortex cérébral, c'est-à-dire la couche supérieure des hémisphères cérébraux. Particulièrement développée chez les humains, cette région est désignée comme le siège des "fonctions supérieures", c'est-à-dire du raisonnement, du langage, de la mémoire, de la commande des mouvements volontaires, etc. Forcément, c'est d'abord là que les neuroscientifiques ont traqué les neurones spécialisés dans la prise de décision. Et qu'ils les ont trouvés! "Dès qu'il y a un choix à faire, que ce soit chez l'homme ou l'animal, nous voyons que le cor tex orbitofrontal s'active, témoigne Sylvie Granon, de l'université Paris Saclay. Cette région semble chargée, entre autres, de représenter la valeur des différentes options." Plusieurs expériences ont per mis d'illustrer ce processus, dont celles réalisées en 2006 par Camillo PadoaSchioppa à l'université Harvard, aux Etats-Unis. Le chercheur offrait à des singes rhesus l'opportunité de goûter une variété de bois sons: jus de citron sucré, de raisin, de fruits exotiques, de pomme, de canneberge, de l'eau, du thé et même de l'eau salée. À l'heure du choix, des électrodes implantées dans leur cerveau enregistraient alors une flambée d'activité dans le cortex orbitofrontal.

 

COMPÉTITION DE VALEURS

Plus encore: en mesurant l'activité de 931 neurones au moment précis où le primate choisissait sa boisson préférée, entre deux propositions, l'équipe a démontré que l'activité de certains neurones était proportionnelle à la valeur attribuée par le singe à l'option choisie. Ainsi, chez les singes rhésus, le jus de raisin suscite visiblement plus d'enthousiasme et davantage d'activité de certaines cellules cérébrales que le the. Quelle conclusion tirer de cette expérience? "Dans le tissu cérébral, toutes les options sont valorisées puis intégrées, décrit Thomas Boraud, neuroscientifique à l'université de Bordeaux. Il y a ainsi une compétition entre plu sieurs populations de neurones, et celle qui gagne entraîne la décision."Cette compétition est permanente, les options étant réévaluées constamment, complète Sylvie Granon: "Si vous essayez un nouveau dessert au self, qu'il vous attire, vous allez lui attribuer une valeur a priori. Mais si vous êtes déçu, elle chutera. De même, si vous abusez d'un aliment que vous aimez beau coup, il deviendra moins attractif. Au contraire, si un bien est rare, sa valeur augmentera." Enfin, la valeur de chaque option fluctue aussi selon l'état physiologique de chacun au moment du choix, souligne Mathieu Wolff, chercheur à l'université de Bordeaux: "Un aliment n'aura pas la même valeur si j'ai faim ou si je suis rassasie." Un constat aussi fait par Camillo Padoa Schioppa: au réveil, quand les animaux avaient soif, une simple gorgée d'eau s'avé rait nettement plus attractive. Bon, le cortex orbitofrontal est bien la région où le choix prend forme, où les valeurs des différentes options s'affrontent ... Mais sur quels arguments s'appuie-t-il pour attribuer les valeurs initiales? Un mécanisme fondamental l'influence particulièrement : l'anticipation du plaisir attendu, qui exploite le circuit cérébral de la récompense. Très exploré par les spécialistes des addictions, c'est lui qui fournit la motivation nécessaire pour déclencher des comportements visant à rechercher des sensations plaisantes et à éviter les désagréments.

 

LE CIRCUIT DE LA RÉCOMPENSE

Or ce circuit de la récompense, qui implique des neurones communiquant via la dopamine, relie des régions diverses et très éloignées ! Il est, par exemple, alimenté par des signaux venus des aires de décryptage sensoriel vision, audition, goût ... Il interagit aussi avec le système limbique, au centre du cerveau, impliqué dans les émotions et la mémorisation à long terme. Toutes ces structures cérébrales alimentent constamment le cortex orbitofrontal en informations, afin de lui permettre d'attribuer une valeur pertinente aux différentes propositions qui s'offrent à nous. La conséquence, c'est que nous faisons parfois nos choix consciemment. Quant à savoir pourquoi nous avons fait ce choix, pourquoi cette option a davantage retenu notre attention ... là, c'est une tout autre histoire, de l'ordre de l'inconscient.

 

 

FAIRE UN CHOIX, C'EST OBEIR A SON CORPS

Nombre d'actes quotidiens n'ont d'autre but que satisfaire nos besoins primaires.

 

Ce matin, en vous levant, vous avez peut-être bu un verre d'eau. La scène est ordinaire, pourtant le mécanisme sous-jacent interroge : avez-vous le souvenir d'avoir pesé le pour et le contre afin de faire un choix conscient et éclairé-boire de l'eau? Probablement pas, et c'est bien normal: "Seules les décisions les plus lourdes sont scrutées par notre conscience, tranche Mathieu Wolff, de l'université de Bordeaux.

Les petits conflits du quotidien sont, eux, rapidement gérés en mode automatique, c'est ce qui nous permet de réagir et de décider rapidement."

Ce mode "auto" court-circuite le processus de décision habituel: vous avez "imprimé" qu'au réveil, votre corps est déshydraté et qu'il faut boire. Il suit une décision primaire prise il y a longtemps, qui obéissait, elle, aux injonctions de l'hypothalamus, une structure cérébrale qui orchestre les grands équilibres de la survie (la faim, la soif, le rythme cardiaque, la gestion du stress, etc.) "La plupart des décisions visent avant tout à maintenir l'équilibre physiologique du corps, indique Sylvie Granon, de l'université Paris-Saclay. Si une personne vous est désagréable, vous aurez tendance à l'éviter pour faire baisser le niveau de cortisol [l'hormone du stress, ndlr] et faire baisser votre rythme cardiaque qui s'est emballé. Si votre glycémie chute, vous allez ouvrir un paquet de gâteaux; si vous vous sentez seul, vous allez chercher le contact social ... "

 

INFLUER SUR NOS DILEMMES MORAUX

Cette boussole inconsciente irait même jusqu'à influer sur nos dilemmes moraux. "La morale, notamment la notion d'injustice, est de l'ordre du ressenti primaire. Les singes y sont d'ailleurs très sensibles", souligne la chercheuse. C'est ce que constatait le primatologue Frans de Waal dans les années 2000, à l'aide d'une expérience restée célèbre. Le chercheur proposait à un singe capucin des morceaux de concombre en échange d'un caillou. Mais quand celui-ci se rendait compte que son voisin recevait, pour la même tâche, un morceau de pomme, bien plus savoureux, il entrait dans une colère noire et lançait le concombre à la tête de l'expérimentateur. Avait il réellement le choix de réagir autrement?

 

 

FAIRE UN CHOIX, C'EST ECOUTER SES ÉMOTIONS

Loin d'être opposées à la rationalité, les émotions nous aident à identifier les valeurs associées à chaque scénario, puis à choisir entre eux.

 

Eliott était un cadre commercial brillant... jusqu'à ce qu'on lui découvre une tumeur au cerveau.

Celle-ci a pu être extraite par chirurgie, et ses connaissances et sa capacité de raisonnement sont restées intactes. Par contre, il a perdu toute faculté à ressentir des émotions ... Pourquoi? La zone touchée par son cancer, le cortex préfrontal ventromédian, est densément reliée au système limbique, où se trouve notamment l'amygdale, impliquée dans la peur et l'agressivité, ou encore l'hippo campe, essentielle pour la formation de la mémoire à long terme. Sauf que voilà : en plus de perdre ses émotions, Eliott, dans la foulée. Celle  de l'opération, ne parvenait plus à faire des choix cohérents. Des lors, il cumulera les échecs professionnels et affectifs ... Cette histoire, que le neuroscientifique Antonio Damasio raconte dans son livre L'Erreur de Descartes (publié en 1994), marque un tournant dans la manière d'envisager la prise de décision. Les émotions y joueraient un rôle prépondérant.

 

STRESS ET PERFORMANCES

De nombreux autres cas cliniques similaires à celui d'Eliott sont depuis venus alimenter cette thèse: tous présentent des lésions du cortex préfrontal ventro-médian, et des déficits à la fois dans la perception des émotions et la prise de décision. Le rôle des émotions dans nos choix a même été entériné grâce au fameux "test du casino de l'Iowa", développe par Antoine Bechara à l'université de l'État américain du même nom. Dans cette expérience, les chercheurs placent devant les participants quatre tas de cartes, faces cachées, sur lesquelles figurent soit un gain soit une perte d'argent. Le but est alors de gagner le maximum d'argent. Or les tas ne sont pas identiques : certains sont nette ment plus avantageux que d'autres. Une fois la partie lancée, les sujets sains réalisent très rapidement la supercherie, et se concentrent vite sur les meilleurs tas pour maximiser leur profit. C'est là que les chercheurs corsent l'expérience: ils annoncent aux participants qu'après ce jeu, chacun devra tenir un discours devant une assemblée ceci afin d'augmenter leur stress. Et voilà soudain que les sujets perdent en efficacité et mettent plus de temps a s'orienter vers les tas les plus avantageux! Par la suite, d'autres études ont encore affine cet effet: si un stress important détériore nos per formances, il semble qu'un stress léger les améliore.

 

NUANCES DE JOIE

Mais il y a plus subtil encore: en 1999, Rajagopal Raghunathan et Michel Tuan Pham, deux psycho logues exerçant a New York, ont montre que l'état psychique d'un individu jouait aussi sur ses décisions. Les personnes de nature plutôt triste avaient ainsi tendance à opter pour des emplois a haut risque mais avec un gain potentiel élevé; tandis que les individus anxieux préféraient les options comportant peu de risques, mais aussi moins de gains. Deux émotions à connotation négative peuvent donc pousser à faire des choix diamétralement opposés ! Ce qui révèle l'ampleur du phénomène: pour élucider le rôle exact de chaque émotion, il faudrait pouvoir identifier les myriades de nuances de tristesse, de dégoût, de culpabilité, de joie, de sérénité ... et les rattacher à une panoplie de choix allant de la couleur d'une chemise à une demande en mariage ! Le diktat des émotions sur la décision réserve encore bien des surprises.

 

 

FAIRE UN CHOIX, C'EST NEGOCIER AVEC SA GENETIQUE

Notre génome détermine notre appartenance à l'espèce humaine. Il structure également notre cerveau, le siège des décisions.

 

Qui devrait-ton juger plus sévèrement? Un automobiliste qui fonce volontairement sur une  foule mais ne blesse personne, ou un automobiliste renversant un piéton qui s'est jeté sous ses roues ? La tendance, chez les adultes, est de blâmer le premier: l'intention de faire du mal est jugée plus sévère ment que la seule réalisation. Sauf que ce parti pris n'est pas clair pour tout le monde: en 2012, Martin Reuter et son équipe de l'université de Bonn, en Allemagne, ont même démontre qu'il pouvait être influencé ... par la génétique ! Pour parvenir à une telle conclusion, les psychologues se sont intéressés au récepteur à l'ocytocine l'hormone impliquée dans la confiance, l'empathie, la générosité et la sexualité, dont le gène existe en plusieurs variantes dans l'humanité. Ils ont alors séquencé le génome de 154 volontaires, puis leur ont demandé de juger les automobilistes dans le dilemme exposé précédemment. Résultat: les porteurs d'une des variantes génétiques du gène codant pour le récepteur à l'ocytocine (l'allèle C) avaient tendance à être plus sévères avec les personnes causant du tort de manière non intentionnelle! Bref, ils seraient moins empathiques du fait de leur seule génétique et cela pourrait peser sur leurs choix ...

 

RÉSEAUX NEURONAUX MALLÉABLES

Forcément, cette influence de notre génome est l'un des arguments contre l'existence du libre arbitre martèles par le neuro endocrinologiste américain Robert Sapolsky (voir interview p. 78). La génétique affecte non seulement la transmission des messages hormonaux mais aussi celle des messages nerveux. C'est aussi elle qui détermine la structuration du réseau de neurones lors du développe ment du système nerveux, avant et après la naissance. Or, dans la compétition à laquelle se livrent les groupes de neurones lors d'une prise de décision (voir p. 81), cette structuration est essentielle. Reste que celle-ci n'est pas figée: "La structure du cerveau est d'abord déterminée par un substrat génétique mais par la suite, elle est plus ou moins transformée par le développement", confirme Thomas Boraud, directeur de l'Institut des maladies neurodégénératives. "Ainsi des vrais jumeaux, dotés d'un programme génétique identique, peuvent développer des personnalités et des maladies mentales différentes. Par exemple, l'un peut devenir schizophrène. l'autre non", abonde Kevin Mitchell, professeur assistant au Trinity College de Dublin. Et pour cause: pendant le développement, la moindre fluctuation suffit pour modifier la migration des cellules précurseurs des neurones. En découlent alors des connexions inédites et un cerveau sensiblement différent. Ce n'est pas fini: tout au long de la vie de chaque individu, les souvenirs consolideront certains liens neuronaux, en créeront d'autres, et feront disparaître ceux qui ne sont pas stimules. Les apprentissages d'une langue, de principes moraux, d'histoires ou les expériences marquantes, en particulier les traumatismes, viennent ainsi renforcer certains de nos comportements. Et peut-être même que le simple fait de le savoir en ayant lu ces lignes influencera vos prochains choix.

 

 

FAIRE UN CHOIX, C'EST INTEGRER UNE SOCIÉTÉ

Si nos raisonnements nous engagent à chercher notre intérêt individuel, ils n'échappent pas au poids du collectif.

 

Voici 3 €. Vous pouvez les garder ou, si vous le souhaitez, en faire don à une ONG. Que faites vous? Eh bien tout dépendra ... du regard des autres! Si personne ne vous voit, il y a de fortes chances que vous les empochiez, tandis qu'en présence d'autres individus, vous serez plus enclin à les donner. C'est ce qu'a démontre Keise Izuma, en 2008, à l'Institut des sciences physiologiques d'Okazaki, au Japon. De quoi démontrer que nous sommes toutes et tous constamment guidés par notre environnement social. "Les relations qu'on a avec les autres influencent énormément nos choix, confirme Fabio Galeotti, du Groupe d'ana lyse et de théorie économique Lyon St-Étienne. À cause d'elles, nous prenons des décisions qui peuvent parfois sembler irrationnelles, en tout cas qui ne servent pas nos intérêts matériels."

 

TOUT DÉPEND DU PARTENAIRE

Ceci car des considérations qui ne concernent plus notre propre physiologie entrent en compte: "Les règles apprises, l'importance que l'on accorde à sa réputation, les émotions qui surgissent dans nos rapports aux autres, etc.", liste Sylvie Granon. Sous cette influence de la société, nos choix peuvent même devenir si étonnants qu'ils défient la "théorie des jeux", une hypothèse mathématique de prédiction des réactions. Voyez plutôt: dans le jeu dit "de la confiance", une somme d'argent est confiée à l'un des joueurs, nommé l'investisseur, qui peut choisir d'en donner une partie à un autre individu. Or, s'il le fait, la somme transférée est multipliée par dix et le partenaire peut en retour en faire profiter l'investisseur à la hauteur qu'il décidera l'opération peut donc s'avérer rentable pour celui qui a investi! Bien entendu, tout dépend du partenaire; et la théorie mathématique postule que l'investisseur n'a pas intérêt à donner s'il ne le connaît pas et n'a aucune certitude sur ses intentions. Reste que la pratique est bien différente: pour peu que les participants possèdent un point commun, tout peut basculer: "On constate que plus on a d'affinités avec le partenaire, parce qu'on supporte la même équipe de foot par exemple, plus la somme partagée sera grande", confirme Fabio Galeotti.

 

L'INFLUENCE DU NOMBRE

À cette influence de l'autre s'ajoute encore l'influence du nombre. C'est ce qu'a montre Jean-Claude Dreher, de l'Institut des sciences cognitives Marc Jeannerod à Lyon, en 2017. Grace à l'imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf), le chercheur a sondé le cerveau de volontaires à qui l'on demandait de statuer, comme des jurés, sur des affaires criminelles. Après avoir rendu leur verdict, ceux-ci étaient alors informés de celui des autres membres du jury, puis avaient la possibilité de réviser leur jugement. Ce qui fut régulièrement le cas ... Or les images cérébrales obtenues suggèrent qu'il ne s'agissait là pas d'une simple imitation: une excitation importante du cortex fronto polaire une zone qui traite les informations de la vie en société se produisait dans le cerveau des jurés au moment du choix de rendre un nouveau verdict. Selon Jean-Claude Dreher, cette région soupèserait la crédibilité des informations don nées par les autres, une information ensuite intégrée à la prise de décision, tel un paramètre supplémentaire dont le poids dépend du degré de certitude. Effectivement: plus les jurés étaient nombreux à rendre un verdict différent, plus leur influence sur le nouveau choix était grande. Nos convictions, aussi solides que nous les pensions, paraissent soudain bien fragiles ...

 

 

VERS UNE NOUVELLE CONCEPTION DU LIBRE ARBITRE

Entre facteurs biologiques, socioculturels et inconscients, la liberté de choix peut sembler réduite. Mais elle n'est pas illusoire pour autant.

 

Bye bye le libre arbitre ? Car après les besoins physio logiques, le diktat des émotions, les conseils de l'expérience ou encore le regard des autres, soit toutes les influences qui s'agitent derrière chacune de nos décisions, quelle place pourrait il lui rester? En fait, sa marge de manœuvre, quoique ténue, se nicherait bien entre toutes ces influences, estiment certains chercheurs. Ce qui n'entrerait pas en contradiction avec le déterminisme, une doctrine philosophique selon laquelle toute action est strictement déterminée par une chaîne d'événements antérieurs. "Il faut bien comprendre que le libre arbitre n'est pas la liberté absolue de faire ce qu'on veut, sans contraintes, rappelle le biologiste et philosophe Bernard Feltz, de l'Institut supérieur de philosophie de l'UC-Louvain. Au contraire : le déterminisme dessine les différentes voies du possible, et le libre arbitre naît justement de la possibilité de choisir entre les options façonnées par le champ des déterminations."

 

LA THEORIE DU CHAOS

Serge Ahmed, de l'université de Bordeaux, pousse la réflexion plus loin encore et invite à différencier deux niveaux de déterminisme: "Je considère que je suis libre de mon choix si aucune cause externe ne me contraint à prendre une direction précise. En revanche, mon choix va dépendre de mes causa lités internes, mon passé, mon histoire, et même de ma biologie." Bon. Mais nos contraintes internes ne seraient-elles pas, elles aussi, de l'ordre du déterminisme? Pas sûr ... D'abord, à mesure des avancées scientifiques, on s'aperçoit que la matière dont nous sommes faits n'est pas aussi réglée que ce que les manuels scolaires nous laissent croire. Après tout, à l'échelle microscopique, le comportement de cette dernière s'affranchit des règles de la mécanique classique pour embrasser le champ, peu intuitif, de la physique quantique, où une particule peut être dans deux états a la fois ... Le déterminisme s'envole alors : les mêmes causes ne produisent plus nécessairement les mêmes effets. Il suffit ensuite de remonter la chaîne: si le comportement des particules est indéterminé, il y a donc une chance pour que celui des atomes, des molécules, des organes et finalement des êtres le soit aussi. Mais attention: "Qu'il y ait une part de hasard dans la causalité des événements ne résout pas le problème du libre arbitre", conteste Kevin Mitchell, professeur assistant au Trinity College de Dublin. "Ce qui est important ici, c'est que si les liens de causalité et de hasard ne suffisent pas à déterminer un événement, c'est qu'il reste de la place pour le choix." Une autre particularité des systèmes biologiques laisse la porte ouverte au libre arbitre: la théorie du chaos. Illustré par le célèbre "effet papillon", qui postule qu'un batte ment d'ailes de papillon sur la côte africaine peut provoquer un cyclone aux Antilles, le chaos fait intervenir, sur une chaîne d'événements considérée comme linéaire, des boucles de rétroaction amplifiant certaines fluctuations et en annihilant d'autres, jusqu'à provoquer des événements absolument inattendus et des changements d'échelle.

 

SCIENCE RÉDUCTIONNISTE

Or quel meilleur endroit pour faire naître le chaos que le cerveau humain, merveille de complexité? "Il regorge d'interactions complexes et de boucles de rétroaction", appuie Serge Ahmed. Au sein des fluctuations amplifiées par ce désordre pourrait alors s'immiscer le libre arbitre. Hélas, pour l'heure, ce phénomène échappe encore aux méthodes d'investigation de la science, qui pèche par réductionnisme: un phénomène complexe est souvent décrit en l'étudiant par "morceaux". Sous ce regard, la biologie ne peut que rester le résultat de réactions chimiques, qui elles-mêmes résultent de la physique des particules. "On est pourtant obligé d'envisager qu'il y ait quelque chose de plus qui émerge de la somme des parties: un phénomène mental qui, bien qu'il soit dépendant de mécanismes sous-jacents, possède des propriétés nouvelles", confie Serge Ahmed. Alors, en attendant de savoir si du chaos, de l'effondrement de la causalité quantique ou d'un autre phénomène encore, naît notre libre arbitre, il s'agit de faire un choix: y croire ou pas.

 

Résultats PISA : comment remonter la moyenne ?

CORALIE HANCOK - Science & Vie 1278 - mars 2024

Depuis la dernière évaluation de l'OCDE, en 2018, les scores des élèves français ont reculé d'environ 4% en mathématiques et en français. Un résultat qui corrobore l'impression d'une baisse de niveau générale, que le gouvernement s'est fixé d'endiguer. Des spécialistes de l'éducation analysent les mesures envisagées ...

CORALIE HANCOK

LES 3 CHIFFRES A RETENIR

 

21

C'est le nombre de points perdus par les élèves français en maths entre 2018 et 2022 aux évaluations internationales Pisa. Leur moyenne est ainsi passée de 495 a 474.

En outre, 19 points ont été perdus en compréhension de l'écrit, et 6 points en sciences.

 

7%

C'est la proportion d'élèves français considères comme "très performants" en maths et en compréhension de l'écrit. Ce taux grimpe à 41 % à Singapour pour les maths. A l'inverse, 29% des élèves français se trouvent en grande difficulté en maths, et 27% en français.

 

67%

C'est, parmi les élèves français ayant passe les évaluations Pisa, la proportion de ceux qui ont étudie dans des collèges ou l'enseignement a été, selon leurs chefs d'établissement, entrave par un manque de professeurs. Ce taux n'était que de 17,1% en 2018.

 

-3%

C'est la chute des résultats français entre les évaluations Pisa passées en 2006 et celles passées en 2022.

Une tendance similaire à celle de l'ensemble des pays de l'OCDE (-3,2%).

 

DES PERFORMANCES EN BAISSE

Moyenne des résultats aux tests Pisa en France et dans les pays de l'OCDE entre 2006 et 2022.

OCDE (les 23 pays originaux) France

 

Le niveau des élèves français dégringole

 

"Les petits Français sont nuls en maths"; "Ils ne comprennent rien à ce qu'ils lisent et ne savent plus écrire" ...

Dans la bouche des politiques comme dans les medias, cette rengaine revient régulièrement. Notamment chaque fois que paraissent les résultats des évaluations internationales mesurant les performances des enfants d'âge scolaire.

La dernière publication n'a pas fait exception à la règle: le 5 décembre dernier, les résultats de l'étude internationale Pisa (Programme for International Soudent Assessment], qui mesure le niveau des élèves de 15 ans en mathématiques, lecture et culture scientifique dans 81 pays ou territoires de l'OCDE, ont de nouveau fait état des mauvais résultats de nos élèves.

Ainsi, en mathématiques, leur moyenne a baissé de 21 points par rapport à l'édition 2018 (passant de 495 en 2018 à 474 en 2022, soit une baisse de 4,2%), et ce alors qu'elle avait été relativement stable entre 2006 et 2018.

La chute est presque aussi vertigineuse en compréhension de l'écrit, qui choit de 19 points par rapport à 2018 (passant de 493 à 474], dans une tendance déjà à la baisse depuis 2012. Les résultats en sciences sont moins dramatiques: 6 points "seulement" ont été perdus en 4 ans (passant de 493 à 487).

 

TOUS LES PAYS DE L'OCDE SONT CONCERNÉS

 

Il faut l'avouer, la chute est spectaculaire ... Certes, elle doit être relativisée: les résultats des élèves français restent dans la moyenne des pays de l'OCDE et sont très proches de ceux obtenus dans des pays culturellement voisins -en mathématiques, la France a obtenu 474 points, contre 471 en Italie, 473 en Espagne et 475 en Allemagne. Plus encore, le déclassement ne concerne pas que la France, la tendance est à la baisse partout dans le monde.

Ainsi, entre 2018 et 2022, la moyenne des 35 pays de l'OCDE ayant participé aux deux sessions a diminue de 15 points en mathématiques (472) et de 10 points en compréhension de l'écrit (476).

 "Même si elle n'explique pas tout, la fermeture des établissements scolaires pendant la pandémie a indéniablement joue un rôle dans cette dégradation globale du niveau des élèves", indique Eric Charbonnier, analyste au sein de la direction de l'Éducation de l'OCDE. Toujours est-il que la dégringolade de l'Hexagone est particulièrement marquée.

Ce qui est prévu pour l'endiguer? En fin communicant, le désormais ex-ministre de l'Éducation nationale Gabriel Attal avait justement choisi le jour de la publication des résultats Pisa pour annoncer les mesures qui, selon lui, permettraient d'améliorer le niveau des élèves français et de créer un "choc des savoirs".

Des mesures présentées comme l'aboutissement  de la mission Exigence des savoirs lancée quelques semaines plus tôt et coordonnée, entre autres, par Stanislas Dehaene, chercheur en neuropsychologie à l'Inserm et président du Conseil scientifique de l'Education nationale (CSEN) -mais qui ont fait bondir certains membres de ce même conseil et conduit trois d'entre eux à la démission.

Parmi ces mesures, deux ont particulièrement retenu l'attention du public et cristallise les oppositions: le retour du redoublement et la création de groupes de niveaux en mathématiques et en français -c'est-à-dire la séparation des élèves en différentes classes selon leur niveau.

 

 LE REDOUBLEMENT EN DÉBAT

 

 Si l'on en croit la consultation lancée par le ministère, la première est relativement populaire auprès de la communauté enseignante. Ainsi, 69,7% des enseignants ayant participé à la consultation ont répondu "non" à la question: "Pensez-vous que le redoublement est suffisamment préconisé aujourd'hui pour les élèves en grande difficulté scolaire?" Étonnamment, pourtant, "les pays les plus performants dans les évaluations Pisa ne pratiquent pas, ou très peu, le redoublement", souligne Mélanie Guenais, maîtresse de conférences au Laboratoire de mathématiques d'Orsay et viceprésidente de la Société mathématique de France.

Les résultats de la recherche menée sur cette question montrent de plus son inefficacité: "Environ une dizaine de publications scientifiques ont conclu que les bénéfices du redoublement sont nuls ou faibles, confirme Julien Grenet, directeur de recherche au CNRS, professeur à l'École d'économie de Paris et membre démissionnaire du CSEN.

Et lorsqu'ils existent, ils sont non seulement transitoires -trois ou quatre ans après, on ne les observe plus-mais aussi conditionnés à des mesures de remédiassions fortes. Par exemple, en Floride, les élèves dont le redoublement avait eu un effet positif faisaient 90 minutes de lecture par jour, étaient suivis par des enseignants très qualifiés et bénéficiaient d'heures de soutien supplémentaires."

Pire, le redoublement peut avoir des effets négatifs, a la fois a court terme -stigmatisation, baisse de la motivation et de l'estime de soie à long terme. "Redoubler, c'est aussi entrer une année plus tard sur le marche du travail, ce qui se traduit par une perte de revenus", ajoute Julien Grenet.

 

JULIEN GRENET Directeur de recherche au CNRS, professeur à l'Ecole d'économie de Paris

Une dizaine de publications scientifiques ont conclu que les bénéfices du redoublement sont nuls ou faibles

 

 LE RISQUE D'AGGRAVER LES INEGALITÉS

 

Le chercheur est aussi très critique vis-à-vis des groupes de niveaux. D'abord parce qu'ils risquent d'aggraver les inégalités. "Si l'on se base sur les tests réalisés à l'entrée en 6e, 1 élève défavorise sur 2 se retrouvera dans le groupe des élèves faibles, contre seulement 13% des élèves favorisés", indique l'économiste.

Autrement dit, les groupes de niveaux seront aussi des groupes de classes sociales. "Par ailleurs, même si les résultats de la recherche sont moins solides que sur la question du redoublement, ils tendent à montrer que lorsque les groupes de niveaux sont constitues de façon rigide, c'est-à-dire quand les élèves restent dans le même groupe toute l'année, il n'y a pas d'effets positifs sur les forts et des effets plutôt négatifs sur les faibles", ajoute Julien Grenet.

"Dans un groupe faible, il n'y a plus d'émulation, d'apprentissage par les pairs. Or on sait que les élèves apprennent mieux si les connaissances ne viennent pas seulement des enseignants mais aussi des autres élèves", renchérit Sébastien Planchenault, ancien président de l'Association des professeurs de mathématiques de l'enseignement public.

En insistant sur la dimension flexible des groupes et en utilisant la terminologie "groupes de besoins" plutôt que "groupes de niveaux", le ministère semble avoir entendu ces arguments.

"Sauf que, connaissant la lourdeur du fonctionnement des établissements scolaires, le risque est grand que les groupes restent identiques tout au long de l'année ou que les changements de groupe ne se fassent qu'a la marge", s'inquiète Sébastien Planchenault.

"Nous aurions préféré une diminution du nombre d'élèves par classe, cela aurait permis aux enseignants de faire de la différenciation pédagogique sans séparer les élèves." À l'école élémentaire, le dédoublement des classes de CP et CE1 -les effectifs y ont été plafonnés à 12 élèves par classe dans les réseaux d'éducation prioritaire (REP et REP+) a d'ailleurs été une mesure phare du premier quinquennat Macron.

"C'est un dispositif qui fonctionne assez bien, même s'il semble que les effets sont plus importants à l'école élémentaire qu'au collège", indique Julien Grenet. "

Il n'y a pas de corrélation entre les résultats aux évaluations Pisa et le nombre d'élèves en classe, tempère Eric Charbonnier. D'ailleurs, en Asie, les classes sont souvent plus chargées et les résultats très bons. Mais il faut reconnaître qu'il y a moins de problèmes de discipline dans les pays asiatiques."

 

DES CLASSES DE COLĻÈGE ENCORE TRÈS CHARGEES

 

En Europe, la France est l'un des pays où les classes de collège sont parmi les plus chargées -25 élèves, contre 21 en moyenne dans l'UE quand l'Estonie et la Suisse, deux pays qui ont obtenu de très bons résultats aux évaluations Pisa, sont à 19 élèves par classe. Parmi les autres mesures annoncées en décembre, figurent également la modification des programmes et la labellisation des manuels ..

Pour l'enseignement des mathématiques, l'une des pédagogies souvent mise en avant est "la méthode de Singapour", qui s'inspire de la façon d'enseigner dans la cité-État. Il faut dire que ce petit pays d'Asie arrive en tête a quasiment chaque évaluation internationale. "Les bons résultats de Singapour ne s'expliquent pas nécessairement par leurs méthodes pédagogiques, pointe néanmoins Sébastien Planchenault. C'est en effet un petit pays très riche. L'hétérogénéité entre élèves y est probablement moins grande et la pression scolaire mise sur les enfants y est très forte."

"Il n'y a pas de méthode miracle et encore moins si elle est imposée aux enseignants, ajoute Mélanie Guenais. Ce qui fonctionne, c'est quand les enseignants maîtrisent les objectifs mathématiques à transmettre et utilisent une méthode avec laquelle ils se sentent à l'aise." Stéphane Cyr, professeur de didactique des mathématiques à l'université du Québec et titulaire d'une chaire Unesco spécialisée dans l'étude des systèmes éducatifs, est moins catégorique. Son pays, le  Canada, obtient lui aussi de très bons résultats aux évaluations Pisa, en particulier en mathématiques. "Je pense que cela s'explique au moins en partie par le fait que les mathématiques y sont présentées de façon moins austère qu'en France. L'accent est davantage mis sur la résolution de problèmes concrets, indique le chercheur. L'approche est aussi plus égalitaire : les mathématiques ne sont pas utilisées pour séparer les bons des mauvais élèves ni pour créer une élite, l'objectif étant que tous les enfants accèdent aux mathématiques." Ce qui explique aussi probablement le moindre écart entre élèves favorisés et défavorisés observé au Canada. Un point de levier fait tout de même l'unanimité parmi les chercheurs et enseignants interrogés: celui de la formation des enseignants et de l'attractivité du métier.

"La méthode de Singapour, c'est aussi 100 heures de formation continue par an pour les enseignants, contre 3 jours obligatoires en France, cingle Melanie Guenais. Leur salaire est aussi bien plus élevé et le métier très valorisé. Outre les effets de la pandémie, la baisse des résultats aux évaluations Pisa est également corrélée à un problème de recrutement des enseignants. Même s'il s'observe dans d'autres pays européens, il est très important en France."

 

LA NÉCESSITÉ D'UNE VISION A LONG TERME

 

 Problème: parmi les mesures du "choc des savoirs", aucune n'aborde ces questions. "On assiste à une succession de mesurettes de rapiéçage qui attirent l'attention, se diffusent vite et disparaissent presque aussitôt, sans prendre le temps de traiter les problèmes structurels en maths, lecture, valorisation du métier d'enseignant, etc. se désole Claude Diebolt, économiste et directeur de recherche au CNRS.

Il faudrait une vision concertée pour les décennies à venir."

Alors que le portefeuille de l'Éducation nationale vient d'être confié à Amélie Oudéa-Castéra,

également ministre des Sports et déjà bien occupée par l'organisation des Jeux olympiques, celle-ci pourra-t-elle avoir une vision a long terme et défendre la cause de l'école? Son bulletin de notes nous parviendra ... sous la forme des prochains résultats Pisa.

La baisse des résultats aux évaluations Pisa est aussi corrélée à un problème de recrutement des enseignants

La France, championne des inégalités sociales

 

C'est le domaine où la France bat des records : la différence de niveau entre les élèves issus des classes socio-économiques favorisées et ceux issus des classes défavorisées-au désavantage de ces derniers, bien sûr. Ainsi, en 2022, dans l'ensemble des pays de l'OCDE, l'écart moyen entre leurs résultats était de 93 points en maths, contre 113 en France! "Cela équivaut à une différence de trois et quatre années d'acquis scolaires, souffle Nadir Altinok, spécialiste à l'université de Lorraine. De façon assez contre-intuitive, les inégalités sont plus fortes dans les pays sociaux-démocrates que dans les pays anglo-saxons."Par exemple, en Irlande et au Canada, l'écart entre les classes socio-économiques est inférieur à 76 points.

Ministère vs recherche: quelles mesures pour améliorer le niveau ?

 

En décembre 2023, le ministère de l'Education nationale a annonce mise en place de mesures dans le but d'améliorer le niveau des élève français. Problème : les chercheurs estiment qu'elles seront inefficace et en réclament d'autres qui ont davantage fait leurs preuves.

 

Selon le ministère

 

Encourager les redoublements

Le ministère veut "sortir d'une doctrine de passage quasi-systématique en classe supérieure «et "rendre le dernier mot aux professeurs «pour la prescription du redoublement. Aujourd'hui, 10,8% des élèves français de 15 ans ont déjà redoublé au moins une fois dans leur scolarité, contre 33 % en 1993.

 

Instaurer des groupes de niveaux

À partir de la rentrée 2024, le ministère veut organiser les cours de maths et de français en groupes de niveaux flexibles tout au long du collège, avec des effectifs réduits à une quinzaine d'élèves pour les groupes les plus faibles".

 

Refondre les programmes scolaires

Le ministère souhaite une modification de tous les programmes scolaires entre la rentrée 2024 et 2026 ainsi que la labellisation des manuels. En maths, les fractions et les nombres décimaux seront par exemple abordés plus tôt "en favorisant une approche concrète et imagée".

 

Selon les chercheurs

 

Diminuer le nombre d'élèves par classe

La France est l'un des pays d'Europe où les classes de collège sont parmi les plus chargées : 25 élèves, contre 21 en moyenne dans l'Union européenne. Or la recherche montre que la baisse des effectifs est corrélée à une amélioration du niveau des élèves, surtout à l'école primaire.

 

Développer le soutien scolaire

L'aide aux devoirs, les cours de rattrapage en petits groupes ou la prise en charge par des enseignants spécialisés permettraient d'améliorer le niveau des élèves les plus faibles. En France, le ministère a bien mis en place certains de ces dispositifs, mais dans des proportions moindres que dans d'autres pays.

 

Repenser la formation des enseignants

Une réforme de la formation initiale des enseignants se trouve actuellement dans les tiroirs du ministère. Les enseignants souhaiteraient également une meilleure formation continue, avec notamment du temps dédié afin d'éviter que ces heures n'empiètent sur leur temps de cours ou leur temps libre.

 

Des résultats en baisse partout dans le monde

 

États-Unis

Mis à part en maths, où les élèves ont perdu en moyenne 13 points entre 2018 et 2022 (passant de 478 à 465), les États-Unis sont l'un des rares pays de l'OCDE dont les résultats Pisa ne varient que très peu depuis 15 ans.

 

France

Après une forte remontée en compréhension écrite entre 2006 et 2012 (passant de 488 à 505 points), les résultats des élèves français, toutes matières confondues, n'ont quasiment fait que baisser.

 

Albanie

Entre 2018 et 2022, les résultats du pays se sont effondrés : -52 points en moyenne ! En cause, principalement, un séisme en 2019 qui a provoqué de lourds dégâts, notamment sur les écoles, obligeant jusqu'en 2022 les élèves à étudier ailleurs avec des horaires réduits.

 

Japon

C'est l'un des rares pays a s'être améliore entre les évaluations Pisa 2018 et 2022: +13 points en moyenne (passant de 520 à 533) ! Ceci grâce à une courte fermeture des écoles pendant la crise du Covid et un enseignement à distance très efficace, selon les chercheurs.

 

Qatar

Bien qu'en dessous de la moyenne des pays de l'OCDE (478 points en 2022), les élèves qataris sont ceux qui se sont le plus améliorés depuis 2006 : + 96 points en moyenne (passant de 326 à 422)!

 

Singapour

C'est le haut du podium, comme quasiment à chaque session. Singapour doit notamment son succès à l'état d'esprit et à l'investissement rigoureux de ses enseignants, parmi les mieux rémunérés de l'OCDE.

 

ÉVOLUTION DES RÉSULTATS PISA

EN FRANCE ENTRE 2006 ET 2022

Lecture Maths Sciences

 

 

Les clés pour comprendre le sport chez les Français

KHEIRA BETTAYEB - Science & Vie 1278 - mars 2024

Les clés pour comprendre le sport chez les Français

KHEIRA BETTAYEB

 

Prés de 6 Français sur 10 de plus de 15 ans font du sport régulièrement en 2023. Un chiffre en hausse de 5 points par rapport à 2018, qui traduit un engouement certain pour l'activité physique depuis le Covid, conjugué à la diversification de l'offre sportive et de ses modalités d'accès.

 

Dans quelques mois, le monde entier aura les yeux rives sur la France et les J.O. de Paris 2024. Mais le sport n'est pas réserve qu'aux athlètes ! Alors que le président Emmanuel Macron a récemment incite tous les Français a faire "au moins 30 minutes de sport par jour", qu'en est-il vraiment de notre activité physique ? En décembre 2023, l'Institut national de la jeunesse et de l'éducation populaire (Injep) a publie son 4e Baromètre national des pratiques sportives 2023, réalisé par le Credoc. Menée auprès de 4 000 Français, l'enquête révèle le profil des sportifs de 2023 ainsi que leurs sources de motivation et les disciplines les plus plébiscitées. Ses conclusions ?

 

"Nos chiffres montrent une évolution marquée des pratiques, note Amélie Mauroux, cheffe de la mission enquêtes à l'Injep.

 

Le sport à domicile, qui a décolle pendant le Covid, s'est maintenu à un niveau élève et est donc confirme. Les activités hors structures sportives -encadrées par des applications ou sur internet et à la télévision - ont, elles aussi, augmenté. "

Décryptage.

 

1

Les Français sont sportifs !

 

59% déclarent faire du sport régulièrement

11% occasionnellement

30 % jamais

 

 Plus de la moitie des citoyens feraient du sport régulièrement : et la majorité de leurs séances durerait plus de 45 Min

 

2

Les pratiques sont variées

 

31% Course et marche

22% Activités de la forme et gymnastique

10% Sports de cycle ou motorisés

10% Sports aquatiques ou nautiques

7% Sports collectifs

5% Sports de raquettes

2% Sports d'hiver ou de montagne

 

31% ne pratiquent pas de sport

28% ne pratiquent qu'un sport

19% pratiquent deux sports

23% pratiquent trois sports

 

Les sports les plus prises sont la marche et la course à pied. En club, la l° place revient au football.

 

 

3

... et ont de plus en plus d'adeptes

 

Ages en années

  

Notamment les sports "doux" et faciles d'accès, davantage adaptes aux 40 ans et plus (marche, yoga, etc. ).

 

4

Les possibilités ont augmenté ...

 

Comment les Français font du sport

DANS UNE STRUCTURE

21% Avec un club ou une association

9% Dans des centres de remise en forme, de fitness ou de gymnastique

 

HORS STRUCTURE

56% Vie une pratique autonome (non encadrée)

7% Avec une application (Zwift, Strava, Garmin Connect, Trainingeaks, etc...)

4% Par des cours assurés via interne ou la télévision

3% Selon les instructions d'un Youtubeur ou en suivant des tutoriels sur internet

  

Applications, cours en ligne, influencer ... De nos jours, les moyens de faire du sport sont plus nombreux, ce qui permet de s'affranchir de certains freins : couts, contraintes professionnelles ou familiales, horaires imposes, manque d'offres de proximité, activités inadaptées a son niveau, etc.

 

5

 ... et la principale motivation reste la Santé

 

52% LA SANTE

34% LA DETENTE

29% L'AMELIORATION DE L'APPARENCE

  

"L'activité physique protège de l'obésité, du diabète, des maladies cardio-vasculaires et du cancer", rappelle Martine Duclos, médecin du sport.

 

Éducation à la sexualité : l'école doit mieux faire

CORALIE HANCOK - Science & Vie 1277 - février 2024

Éducation à la sexualité : l'école doit mieux faire

Contraception, IST, consentement ... Nombre d'experts estiment qu'il est essentiel d'éduquer les enfants à la sexualité le plus tôt possible.

Or, malgré la législation qui prévoit un enseignement tout au long de la scolarité, la France accuse un retard important. Le Conseil supérieur des programmes planche sur le sujet.

PAR CORALIE HANCOK

C'est un sujet qui traîne sur la table de Gabriel Attal depuis son arrivée au ministère de l'Éducation nationale : l'été dernier, son prédécesseur Pap Ndiaye avait officiellement demande au Conseil supérieur des programmes (CSP) d'élaborer un projet d'éducation à la sexualité depuis le cours préparatoire jusqu'a la terminale. Or, au moment ou nous écrivons ces lignes, le CSP n'a pas encore rendu ses propositions : les enseignants ne disposent donc pas de programme officiel a cet enseignement, a l'exception des notions sur le corps humain et la reproduction incluses dans les cours de sciences.

L'éducation sexuelle est pour tant censée être enseignée à l'école, et ce, depuis la circulaire Fontanet, qui date de 1973 ... Avec l'apparition du sida, d'autres ont suivi. Puis, en 2001, les parlementaires ont introduit dans la loi sur l'IVG et la contraception un article spécifique rendant obligatoire au moins trois séances annuelles dans les écoles, les collèges et les lycées.

 

OBLIGATION LÉGALE

Vingt-trois ans plus tard, et en dépit de nombreuses autres circulaires et décrets ayant confirmé et précisé cette obligation légale, force est de constater que l'éducation a la sexualité reste trop peu dispensée dans les établissements.

En septembre dernier, un baromètre réalise par l'institut de sondage OpinionWay auprès de 2 148 jeunes de 16 à 20 ans révélait que ces derniers n'avaient reçu en moyenne que 3,2 séances sur la totalité de leur parcours scolaire ...

En 2016, un rapport du Haut conseil a l'égalité montrait que, sur 3 000 établissements scolaires interrogés, 25 % n'avaient mis en place aucune action ni séance particulière. Et en juillet 2021, un rapport émanant de l'Inspection générale de l'éducation, du sport et de la recherche, indiquait que seuls 13,5 % des élèves de primaire, 18,2 % des collégiens et 13,1% des lycéens avaient bien bénéficié, en 2020-2021, des trois sessions prescrites par la loi.

 

Pourtant, l'éducation à la sexualité a fait ses preuves.

"En termes de santé publique, elle permet de répondre aux questions liées à la reproduction, à la contraception, à l'IVG ou à la lutte contre les infections sexuellement transmissibles (IST), énumère Frederic Galtier, sexologue et formateur au sein de l'Instance régionale d'éducation et de promotion de la santé Auvergne-Rhône-Alpes.

Or les sondages réalises par Sidaction montrent que les connaissances des 15-24 ans sur le VIH décroissent d'année en année." Des lacunes que pourrait combler ce type de programme : dans une méta-analyse de l'université américaine Johns Hopkins publiée en 2014, les auteurs concluent que les adolescents ayant suivi à l'école des cours d'éducation à la sexualité ont une meilleure connaissance du VIH et se sentent davantage capables d'exprimer leur non-consentement. Ils ont aussi permis d'augmenter de 34 % l'usage du préservatif et - contrairement aux idées reçues -de repousser l'âge des premiers rapports chez les adolescents.

 

GROSSESSES PRECOCES

 Aux Etats-Unis, où le Département de santé finance depuis 2009 une revue sur la prévention des grossesses adolescentes, un rapport publie en avril 2023 montre que, sur 18 nouveaux programmes identifies, au moins 7 ont eu un effet favorable sur l'utilisation de moyens de contraception.

Enfin, les Pays-Bas - qui ont mis en place d'ambitieux programmes d'éducation sexuelle depuis des années - sont parmi les pays enregistrant le moins de grossesses précoces : 3 adolescentes (de 15 a 19 ans) néerlandaises sur 1000 donnent naissance a un enfant chaque année, contre 8 en France, 11 au Royaume-Uni et 17 aux États-Unis (source Unicef, 2019).

Des chiffres qui s'expliquent notamment par un meilleur recours à la contraception : 11 % seulement des adolescents néerlandais n'en avaient pas utilisé lors de leur dernier rapport, contre 26 % des jeunes français. Et selon l'OMS, entre 2015 et 2019, le taux d'IVG tous âges confondus était deux fois plus faible aux Pays-Bas (7/1 000 femmes de 15 à 49 ans) qu'en France, (14/1 000).

Évidemment, ces enjeux concernent bien plus les lycéens que les écoliers ; alors pourquoi vouloir commencer des le CP ? Les enfants s'interrogeant sur la sexualité dès le plus jeune âge, il est primordial de les éduquer le plus tôt possible. "Le problème, c'est que, très souvent, la sexualité est trop reliée à la génitalité et aux relations entre adultes.

Lorsqu'un jeune enfant demande comment on fait les bébés, ce qui l'intéresse, ce n'est pas comment les adultes ont fait pour le concevoir mais pourquoi et comment il est né", souligne Sonia Lebreuilly, sexologue et éducatrice en santé sexuelle.

 

"À 5 ans, une explication qui parle d'amour entre un papa et une maman qui donnent chacun une petite graine suffit à satisfaire leur curiosité, assure Jean-Yves Hayez, pédopsychiatre et professeur émérite à l'Université catholique de Louvain, en Belgique. Mais l'éducation à la sexualité, c'est bien plus qu'expliquer les différences entre le corps des garçons et celui des filles, ou comment on fait les bébés. Ainsi, je pense que le terme même d'éducation à la sexualité est trop restrictif : l'un des objectifs de l'école, c'est aussi de former des citoyens, de leur inculquer des valeurs fondamentales comme le respect de soi et des autres."

 

Ce que confirme la sexologue Véronique Baranska :

"L'éducation sexuelle, c'est tout simplement une éducation à la vie, au vivre ensemble.

C'est aussi apprendre aux enfants quels sont leurs droits."

 

Dans ce cadre, on peut, des la maternelle, aborder la question du consentement, par LE DROIT DE DIRE "NON" exemple en leur expliquant qu'ils n'ont pas le droit de toucher les fesses de leurs camarades ou de faire un bisou à quelqu'un si celui-ci n'est pas d'accord, et qu'ils ont aussi le droit de les refuser. "De telles séances participent a la lutte contre les violences sexuelles et les incestes, avance Sonia Lebreuilly.

 

Si les enfants ne savent pas nommer leurs parties intimes ou s'ils ne s'autorisent pas a dire non aux adultes, ils ne peuvent ni se défendre contre les violences qu'ils subissent ni même les reconnaître ou les dénoncer."

 

L'éducation à la sexualité permet également d'informer les enfants sur des sujets sociétaux : "Notamment l'égalité des genres et la lutte contre les discriminations : une éducation sexuelle efficace, ça serait moins de féminoïdes et moins de LGBT-phobie", estime Veronique Baranska.

 

"Lutter contre les discriminations sexuelles, c'est aussi déconstruire les stéréotypes de genre. On peut tout a fait, des la maternelle, faire réfléchir les enfants aux métiers dits masculins ou féminins", ajoute Frederic Galtier.

 

Au collège, la question de la pornographie peut également être abordée.

 

Alors qu'un enfant de 12 ans sur trois a déjà été confronté à des images pornographiques, de nombreuses craintes se font entendre quant a leur impact sur les comportements des jeunes. "Il n'y a pas de preuve réelle que le porno augmente les violences sexuelles. En revanche, les entretiens que nous avons mènes auprès des jeunes montrent une influence claire sur l'image du corps : puisque les pornos plaisent aux garçons, les filles se disent que leur corps doit correspondre a ceux que l'on voit dans ces films, autrement dit qu'elles doivent être minces, avoir de gros seins et être intégralement épilées, énonce Arthur Vuattoux, maître de conférences en sociologie à l'université Paris 13. Déconstruire ces images véhiculées par le porno, c'est aussi lutter contre les dysmorphophobies - les pensées obsédantes sur des prétendues imperfections physiques - et les troubles alimentaires induits."

 

MANQUE DE MOYENS

Dans ces domaines, toutefois, les preuves d'efficacité des programmes d'éducation à la sexualité se font plus rares. "Il arrive que des enfants dénoncent les violences sexuelles qu'ils subissent à l'issue de ces séances ... ou plusieurs mois après", indique Sonia Lebreuilly.

Difficile, dès lors, d'établir avec certitude un lien de cause à effet. "D'un point de vue empirique, les instituteurs font en tout cas état d'un climat plus apaisé en classe", pointe la sexologue.

 

Mais alors, compte tenu de ces nombreux enjeux, comment expliquer que l'éducation sexuelle n'ait pas trouve sa place a l'école ? "Il y a d'abord un manque de moyens et un gros déficit de formation. Et puis les enseignants sont parfois gênés d'aborder ce sujet et peuvent craindre les réactions des parents", souffle Sonia Lebreuilly.

 

"Peut-être aussi que trois séances par an, ce n'est pas une si bonne idée : les enseignants doivent céder une heure de cours pour qu'elles aient lieu et l'animation retombe presque toujours sur les infirmières scolaires, explique Frédéric Galtier. Il y aurait sans doute plus d'adhésion de la part des élèves et moins de crispation de la part des parents si l'éducation sexuelle était abordée de façon transdisciplinaire. Par exemple à travers des textes sur l'amour en français, des travaux sur la représentation du corps dans la publicité en cours d'arts plastiques, des notions sur le respect et l'égalité en histoire et en éducation civique, etc." Les propositions du Conseil supérieur des programmes iront-elles dans ce sens ? Réponse bientôt ...

 

Les trois volets d'une bonne éducation à la sexualité

 

L'approche biologique

si l'on peut parler d'anatomie et de physiologie dès la maternelle, les questions autour de la reproduction et de la puberté sont généralement enseignées à la fin du primaire et au début du collège.

La contraception et les infections sexuellement transmissibles sont, elles, abordées a la fin du collège et au lycée.

 

Les approches psychoaffective et sociale

Ici, c'est le point de vue de l'individu sur la sexualité qui est aborde : les 'émotions et les sentiments, ainsi que les notions de consentement, d'orientation et d'identité sexuelles. Mais ce champ s'ouvre également à la question de la sexualité dans la société, à travers la lutte contre les discriminations, le harcèlement et les violences sexuelles et sexistes.

 

3,2

C'est, en moyenne, le nombre de séances d'éducation sexuelle que les jeunes Français de 16 à 20 ans ont reçu au cours de leur parcours scolaire, selon un sondage réalisé par OpinionWay en 2023. La loi en prévoit pourtant trois par an

 

42%

C'est le taux de garçons de 16 a 20 ans (29 % pour les filles) qui, d'âpres le même sondage, regardent du porno pour en savoir plus sur le sexe. Selon le gouvernement, près d'un tiers des enfants de 12 ans ont été exposés à la pornographie.

 

26 %

C'est, parmi les ados français sexuellement actifs, la part de ceux qui n'avaient utilise aucune contraception lors de leur dernier rapport, selon une étude internationale de 2018, contre 16 % en Allemagne, 11 % aux Pays-Bas et 8 % au Danemark.

 

SOURCES: OPINIONWAY - HEALTH BEHAVIOUR IN SCHOOL-AGED CHILDREN

L'éducation sexuelle, c'est une éducation à la vie, au vivre ensemble. C'est aussi apprendre aux enfants quels sont leurs droits

VERONIQUE BARANSKA Sexologue et infirmière formatrice au CHU de Dijon

 

En revanche, comme on part des questions des enfants, certains peuvent raconter qu'ils aiment bien toucher leur zizi/zézette. On va alors les rassurer : c'est un comportement normal mais qui se fait dans les lieux d'intimité."

 

Faut-il avoir peur des dérives ?

Parce qu'ils sont juges contraires aux valeurs familiales et/ou religieuses, certains contenus (contraception, explication de l'homosexualité ... ) rencontrent l'opposition de parents.

Opposition parfois exacerbée par des rumeurs telles que celle, récente, d'un soi-disant apprentissage de la masturbation a la maternelle.

Les standards européens pour l'éducation sexuelle publies en 2010 par l'OMS évoquent bien la "masturbation enfantine précoce", "mais on n'apprend évidemment pas aux enfants a se masturber, rassure Sonia Lebreuilly.

 

L'empathie peut-elle vraiment s'apprendre à l'école ?

Lise GOUGIS - Science & Vie 1275 - décembre 2023

L'empathie peut-elle vraiment s'apprendre à l'école ?

Pour lutter contre le harcèlement, le gouvernement souhaite développer l'empathie chez les élèves à travers des cours. Il s'inspire pour cela de programmes déjà éprouvés à l'étranger. Sauf que de simples cours pourraient ne pas suffire, le rapport à l'autre étant aussi déterminé par le système éducatif dans son ensemble.

PAR LISE GOUGIS

 

Les enfants étant scolarisés de plus en plus tôt, la sensibilisation aux émotions doit se faire a l'école - OMAR ZANNA Sociologue à l'université du Mans

 

La mesure a fait lever quelques sourcils : en septembre dernier, le gouvernement a annonce l'arrivée de cours d'empathie au programme scolaire, en maternelle et primaire, dès la rentrée 2024. L'objectif ? Sensibiliser et lutter contre le harcèlement scolaire, un fléau qui a encore provoqué le suicide d'un lycéen dans les Yvelines début septembre. Ce drame rappelle l'effarante et difficile réalité qui pèse sur notre système éducatif : le harcèlement toucherait entre 800 000 et 1 million d'enfants chaque année, soit prés de 10 % des élèves, selon un rapport du Senat publié en 2021. Alors pour le combattre, le gouvernement veut plus d'empathie à l'école. "L'empathie, c'est à la fois la capacité de reconnaître les émotions des autres - ce que l'on appelle l'empathie cognitive - et celle de ressentir ce que l'autre ressent et y apporter une réponse adaptée - que l'on nomme l'empathie émotionnelle", explique Thomas Bourgeron, qui dirige l'unité Génétique humaine et fonctions cognitives à l'Institut Pasteur.

 

RIEN DE FIGÉ

 Mais l'empathie peut-elle véritablement s'apprendre ? Sans conteste, il y a une part de génétique dans cette faculté, qui semble innée au sein de l'espèce humaine. En analysant le génome de 46 000 personnes ayant passe un test d'empathie, une équipe internationale de chercheurs, dont Thomas Bourgeron, a constaté qu'environ un dixième des variations du niveau d'empathie entre les individus s'expliquait par les gènes. "Cela signifie qu'il peut être plus complique pour certains de reconnaître les émotions des autres et leur manifester de l'empathie, explique Thomas Bourgeron. Mais attention, ce n'est pas parce que c'est en partie génétique qu'on ne peut rien y faire : ce n'est pas fige " Et ce n'est pas rien de le dire. Avoir seulement conscience que notre empathie n'est pas figée suffirait à influencer nos comportements : "Des travaux américains suggèrent que, parmi des individus ayant un faible niveau d'empathie, ceux qui considèrent que cette faculté est malléable ont plus de chances de déjouer leurs comportements agressifs futurs que ceux qui pensent que c'est une compétence fixe", pointe Violaine Kubiszewski, maître de conférences en psychologie à l'université de Franche-Comté. Surtout, avoir une prédisposition génétique à l'empathie n'offre pas la garantie de devenir une personne empathique. "Si la disposition n'est pas entraînée, elle peut s'étioler", affirme Omar Zanna, sociologue à l'université du Mans.

 

SENSIBILISATION

 Plus que la génétique, l'empathie est largement influencée par des facteurs environnementaux, en particulier la famille. Une étude publiée en octobre par des chercheurs de l'université de Cambridge, au Royaume-Uni, a montre que les enfants qui étaient proches de leurs parents à l'âge de 3 ans manifestaient plus d'empathie, de gentillesse et de générosité à l'adolescence.

Le type d'activités pratiquées a aussi son importance. " En racontant des histoires à nos enfants, nous leur permettons de se projeter dans la peau des personnages, si bien qu'ils apprennent progressivement a comprendre l'autre, pointe Omar Zanna. Cela dépend donc aussi du milieu social - tout le monde n'a pas le temps de lire des histoires à ses enfants ni les moyens de les emmener au cinéma ou au théâtre."D'ou le rôle majeur du système éducatif : "Comme les enfants sont scolarisés de plus en plus tôt, ce temps de sensibilisation aux émotions qui se faisait surtout à la maison devrait pouvoir maintenant être réalisé à l'école", poursuit le spécialiste.

 

PAR LE CORPS

C'est donc certain : l'empathie peut s'apprendre, a fortiori à l'école. Mais comment l'enseigner ? "Il ne s'agit pas de donner un cours d'empathie comme on donne un cours de maths, décrit Omar Zanna. L'empathie se développe par le corps, dans le cadre d'interactions." Dans cette optique, le sociologue a imaginé le jeu des mousquetaires, utilisé en prison avec des mineurs délinquants avant d'être décliné dans des écoles de la Sarthe.

Le principe ? Les élèves sont répartis en équipes de quatre joueurs. Trois d'entre eux prennent une position physique difficile à tenir, souvent en équilibre. Le quatrième doit réussir à repérer celui sur le point de flancher et le remplacer, au risque de faire perdre son équipe. En plus de ce jeu, une multitude d'autres approches ont été expérimentées a l'étranger, notamment dans les pays scandinaves. Ainsi, la France entend s'inspirer du programme danois "Fri for Mobberi" ("Libéré du harcèlement" en français), lancé en 2005 et adopté par environ la moitié des crèches et des écoles pour les enfants de 0 à 9 ans.

 

MÉTHODES PROBANTES

Cette méthode consiste à développer l'empathie chez les petits via des activités pratiques, comme commenter des images montrant des situations de harcèlement. Selon la Ligue de l'enseignement qui gère le programme en France, "au Danemark, 70 % des professionnels trouvent que les enfants sont plus bienveillants les uns envers les autres âpres avoir commence a travailler avec le programme". Et d'âpres une étude sur l'impact du programme en 2017, les enfants qui le suivent seraient plus aptes a gérer les conflits par eux-mêmes et feraient plus preuve d'empathie envers les autres. Au Canada, le gramme l'empathie", mis en place en 1996 dans les écoles défavorisées de Toronto, consiste à faire venir une mère et son bébé dans les classes de primaire. "Au fil des rencontres, les élèves sont sensibilises au développement du nourrisson et a son état profondément interdépendant. Ils apprennent a prendre soin d'un être vulnérable, à déchiffrer ses besoins, ses émotions", détaille Charles-Antoine Barbeau-Meunier, sociologue a l'universite canadienne de Sherbrooke.

 

"Les études menées sur ce programme ont montré qu'il favorise bien le développement de l'empathie en classe, poursuit le sociologue. Il est associe à un déclin de la violence et du harcèlement, à une diminution du décrochage scolaire, et à une augmentation du sentiment d'appartenance et de la solidarité, se traduisant notamment par une hausse des comportements présociaux ." Alors, améliorer l'empathie des élèves serait la panacée pour lutter harcèlement scolaire ? Eh bien oui, il semblerait ! "Des données empiriques suggèrent des liens entre la propension des témoins à défendre leurs camarades harcelés et leur niveau d'empathie, souligne Violaine Kubiszewski. De même, la propension à s'en prendre à des camarades est souvent associée à des niveaux d'empathie moins élevés. " Pour autant, ne mettre l'accent que sur cette faculté serait insuffisant, précise la chercheuse. "L'empathie est une compétence socio-émotionnelle parmi d'autres - comme la maîtrise de soi, qu'il serait tout aussi intéressant de développer à l'école. " De plus, des travaux menés ces dernières années indiquent que, chez un même individu, l'expression de l'empathie varie selon le contexte dans lequel il se trouve. "Si une personne qui a un bon niveau d'empathie se retrouve dans un environnement ou tout transpire la bienveillance et l'acceptation de l'autre, il y a de grandes chances que cela se traduise dans ses comportements. À l'inverse, si elle est placée dans un contexte de compétition et de rejet fréquent de l'autre, il est moins probable que son empathie s'exprime - les comportements étant également modèles par les normes sociales", illustre la chercheuse.

 

SYSTÈME GLOBAL

 Pour Omar Zanna, c'est précisément ce qui fait la différence entre les systèmes éducatifs français et danois. "Au Danemark, l'école est basée sur la coopération entre les élèves, et ces derniers n'ont pas de notes avant leurs 14-16 ans. Tandis qu'en France, les notes sont présentes très tôt et les élèves sont souvent inscrits dans des logiques de compétition." Le classement PISA 2018 met le doigt sur cette différence éducative : dans l'Hexagone, seuls 45 % des élèves ont déclare coopérer entre eux dans leur établissement, contre 81% des petits Danois. "C'est une part importante de l'éducation au Danemark, au même titre qu'apprendre à lire ou compter. Ainsi, une heure par semaine, les élèves peuvent exposer les problèmes de toutes sortes qu'ils rencontrent, et toute la classe essaye d'y trouver une solution", illustre Jessica Alexander, spécialiste de l'éducation danoise. "Je suis convaincue que c'est l'une des raisons pour lesquelles le pays a l'un des plus hauts niveaux d'empathie au monde, mais aussi l'un des plus faibles taux de harcèlement scolaire."

La méthode "Fri for Mobberi" est actuellement expérimentée à petite échelle dans des écoles maternelles d'Île-de- France. Une étude d'impact devrait être publiée d'ici a la fin 2024. Les attentes sont maigres, mais ne jugeons pas trop vite ... Ayons un peu d'empathie. 12 mois C'est l'âge a partir duquel un bébé développe de l'empathie. C'est-a-dire quand il commence a apprendre a reconnaître les émotions sur le visage des autres. Cette faculté se construira ensuite jusqu'a ses 7 ans. 40 % C'est la baisse du niveau d'empathie des étudiants américains entre la génération des années 1970 et celle des années 2000, selon des travaux de l'université du Michigan en 2010. D'autres études montrent que l'empathie tend à baisser avec l'âge. 22e C'est, sur 63 pays, le rang de la France dans le classement du niveau d'empathie établi en 2016 par des chercheurs américains. La 1re place revient a l'Equateur, tandis que la Lituanie fait figure de lanterne rouge.

 

3 façons d'apprendre l'empathie

 

Repérer un camarade en position difficile

Dans le jeu des mousquetaires, déjà expérimenté dans les écoles primaires de la Sarthe, les élèves forment des équipes de 4, et 3 d'entre eux prennent des positions difficiles a tenir, comme la chaise ou la planche. Le 4e a pour mission de repérer celui qui se trouve en passe de lâcher et de le remplacer, toute chute étant synonyme de défaite de l'équipe.

 

Reconnaître les situations de harcèlement

La méthode danoise "Fri for Mobberi", repose sur des discussions pédagogiques avec les élèves et des activités pratiques, telles que commenter des images montrant des situations de harcèlement. Un ours en peluche, qui sert aux petits de mascotte, est aussi mis a leur disposition quand ils ont besoin de se confier ou de réconforter un camarade.

 

Déchiffrer les émotions d'un nourrisson

La méthode "Racines de l'empathie", mise en place en 1996 dans les écoles d'un quartier défavorisé de Toronto, au Canada, consiste a faire venir une mère et son nourrisson dans des classes de primaire. Au cours des 9 rencontres qui s'échelonnent sur l'année scolaire, les élèves apprennent a prendre soin d'un être vulnérable et a déchiffrer ses émotions.

 

A QUOI TIENT VOTRE PERSONNALITE ?

Lise GOUGIS - Science & Vie 1271 - aout 2023

EDUCATION POSITIVE

Lise GOUGIS - Science & Vie 1272 - septembre 2023

THEORIE DE L'INCONSCIENT

C'EST LUI QUI EST AU COMMANDE !

Anne DEBROISE - Science & Vie 1265 - février 2023

DANS LA TÊTE DES GENIES

Lise GOUGIS - Science & Vie 1258 - juillet 2022

 

 

 

La demande de nature s'intensifie en milieu urbain

Yves SCIAMA - Science & Vie 1257 - juin 2022

LA SCIENCE DE LA FORET EST EN REVOLUTION

Yves SCIAMA - Science & Vie 1255 - mars 2022

Ecologue forestière Suzanne SIMARD

A QUOI RESSEMBLERA VOTRE VOITURE DANS 10 ANS

Etienne THIERRY-AYME - Science & Vie 1245 - juin 2021

Voiture intelligente

Freinage automatique d'urgence, régulateur de vitesse, régulation adaptative

Extraits

 Spécial auto

Pierre-Yves BOCQUET - - Science & Vie - Hors Série - Octobre 2018

OSER LA RUPTURE

Pierre-Yves BOCQUET

Relever deux défis majeurs.

La voiture électrique pour la pollution chronique.

La voiture autonome pour la sécurité.

Sans oublier le rapport charnel et émotionnel qui nous lie à la voiture.

Tout l'écosystème automobile, de la production à l'utilisation qui est en mutation.

Bienvenue dans la nouvelle ère automobile !

Voitures électriques et autonomes

Vers un grand big bang historique

Ce n'est pas seulement une nouvelle offre : c'est une rupture historique avec le moteur thermique et l'art de conduire. Toute l'industrie va devoir se réinventer.

VOITURE PROPRE

Voiture électrique

Hugo Leroux

La grande illusion (batterie polluante VS une grande autonomie)

OBJECTIF ZERO MORT ?

Muriel Valin

Notre cerveau : premier frein à la Sécurité Routière

Plus un conducteur se sent protégé, plus il prend des risques.

Tel est le paradoxe mis en lumière par les travaux en psychologie. Et qui explique que la mortalité routière ne baisse plus, malgré les mesures prises.

Ce qui est à la mode c'est de vouloir rendre l'humain parfait. Mais c'est voué à l'échec (Marc Camiolo - Sociologue du risque - Lab Lorrain)

La belle leçon suédoise : prise de conscience des usagers.

Faire varier les limites en fonction des tronçons, des saisons et de la météo afin de réaliser du sur-mesure...

La commission européenne a proposé, en plus de cibler et de réaménager les routes dangereuses, d'équiper les nouveaux modèles de voitures de dix-neuf dispositifs de sécurité, notamment le freinage d'urgence automatisé et l'aide au maintien de la trajectoire.

Voiture autonome

Pierre-Yves Bocquet

Quand l'informatique écrit l'histoire de l'automobile.

Comme si la voiture autonome, à vouloir se passer de l'homme, oubliait ce dernier dans son équation.

PILOTAGE AUTOMATIQUE

Les accidents sèment le doute

Etienne Thierry-Aymé

Importance de confronter son modèle au réel.

S'assurer que les données recueillies soient justes.

Je préfère un système qui me dise "je ne sais pas où je suis" à un autre qui "pense" être au bon endroit au bon moment. (Philippe Xu).

Un permis pour l'I.A. ?

Pauline Martin

Prendre les bonnes décisions au bon moment, tel est le pari technologique de la voiture sans pilote. Mais peut-on apprendre l'aléa à une machine ?

L'I.A. mise sur les réseaux de neurones et le "deep learning". Objectif : passer le pemis.

Pour gérer les cas complexes, l'algorithme fait appel à la "logique floue".

Congestion urbaine

Brice Perrin

Vers la fin du tout-voiture.

Autrefois symbole de liberté et de mobilité, l'automobile est de plus en plus décrié en milieu urbain.

La fin d'un règne sans partage : un rééquilibrage de l'espace public et le développement d'alternatives semblent inexorables.

A Paris, la vitesse moyenne effective culmine à... 15 km/h

Pollution, congestion, occupation de l'espace, perte de temps... C'est un fait, l'automobile cumule désormais les handicaps.

 

Le vélo, prochaine panacée ?

Une piste cyclable coûte 200 fois moins qu'une autoroute, 50 fois moins qu'un métro et 25 fois moins qu'un tramway.

Dans la même logique : véhicule électrique portable.

L'infrastructure doit s'adapter pour offrir une place à chaque usager.

(Par exemple : en Chine, des montagnes de vélo en libre service).

Réinventer la route

Alexandra Pihen

Exit le bitume : pour se mettre au diapason des voitures électriques et autonomes, les routes s'annoncent plus vertes et connectées.

Dans S&V 02578 page 50 :

véhicules hybrides : comportement des conducteurs : étude hollandais TNO : 30% du temps normalement attendu seulement car les utilisateurs oublient de recharger les batteries.

 

POURQUOI LA NATURE NOUS FAIT DU BIEN

Alexandra PIHEN - Science & Vie 1241 - Février 2021

Voiture autonome

Vincent NOUYRIGAT - Science & Vie 1241 - 02-2021

5G

Hugo LEROUX - SCIENCE & VIE 1240 - 12-2020

30 km/h

Lise GOUGIS - SCIENCE & VIE 1236 - Aout 2020

I.A. LES 10 ANS QUI ONT TOUT CHANGE

Pierre-Yves BOCQUET - SCIENCE & VIE HS

Sécurité routière & I.A.

Pierre-Yves BOCQUET - HORS SERIE - mars 2020

Elle optimise vos trajets

Tout le monde connait les applis qui permettent de calculer des itinéraires – Waze, Google Maps, Viamichelin ou Mappy. Derrière leur apparente simplicité, ces services sont basés sur des algorithmes d’IA très performants, capables de trouver leur chemin parmi le grand nombre de trajets possibles d’un point A à un point B, en tenant compte du trafic…

Elle prend le volant à votre place

Avec les voitures autonomes, les constructeurs ambitionnent de réduire drastiquement le nombre de morts sur les routes. Remplacer le conducteur par un algorithme, renseigné sur la circulation par une armada de radars et de caméras, permettrait en effet de supprimer tous les aléas liés aux faiblesses de l’être humain. A condition toutefois que les algorithmes parviennent de leur côté à corriger les imperfections que leur nature informatique leur confère, liées à l’imprévisibilité et à l’opacité des réseaux de neurones qui les font fonctionner.

Elle prédit les accidents de la route

En agrégeant les données du trafic, la cartographie routière, l’état de l’infrastructure, la météo, l’heure, les évènements exceptionnels (travaux, match de foot, manifestation…) l’IA est capable de prévoir le risque d’accident à chaque instant. Et donc d’identifier en temps réel les portions routières les plus à risque. Ce qui permet ensuite de développer des politiques de prévention adaptée. Ce type de solution pourrait être utilisée dans les voitures autonomes, mais aussi pour informer les conducteurs.

 

Ecole et Intelligence Artificielle

Pierre-Yves BOCQUET - HORS SERIE - mars 2020

Elle fait du sur-mesure en classe.

Dans un contexte de manque de moyens chronique, qui induit des programmes identiques pour tous, "l'IA permettrait d'envisager un enseignement plus personnalisé, avec un algorithme qui traque les résultats de chaque élève, exercice par exercice, pour mieux comprendre les concepts sur lesquels il bloque, et pouvoir ainsi conseiller l'enseignant sur les points précis à renforcer avec chacun", détaille Yoshua Bengio, de l'institut Québécois d'intelligence artificielle.

Et si la terre était vivante...

Yves SCAMIA - SCIENCE & VIE 1230 - 03-2020

Peur des Maths ?

Hugo LEROUX - SCIENCE & VIE 1230 - mars 2020

Sédentarité des adolescents

Coline BUANIC - SCIENCE & VIE 1230 - mars 2020

Télévision, réseaux sociaux

Keyra BETTAYEB - SCIENCE & VIE 1230 - mars 2020

Vélos partagés : l'inévitable tragédie des biens communs ?

Emmanuel MONNIER - SCIENCE & VIE - 09 2019

Garés avec la selle ou les freins cassés, abandonnés la roue voilée... les Vélib' et autres véhicules partagés sont vandalisés ä un point tel que leur gestion en est plombée. Un signal peu encourageant pour la "société du partage"... Quels sont les ressorts de ces comportements, et pourquoi certains systèmes, eux, fonctionnent?

Les vélos partagés ont tout d'une bonne idée pour désengorger et dépolluer les villes. Las, le vandalisme massif subi par ces deux-roues en libre-service menace de faire dérailler les projets. Et les mêmes incivilités ont été observées en Belgique, Italie, Chine...

 Faut-il s'en étonner ? Après tout, pourquoi prendre soin d'un bien qui ne vous appartient pas, si cet effort ne vous rapporte rien ? Question vitale pour l'avenir de cette "société du partage" dont on prophétise l'avènement.

 

L'écologue Garrett Hardin, de l'université de Californie, prédisait en 1968 la dégradation inévitable de toute ressource partagée en libre accès. Il prit pour cela l'exemple d'un pré que des éleveurs partagent pour faire paitre leurs troupeaux. L'intérêt de chacun est d'y mener un maximum de bêtes. Sauf que chaque bête supplémentaire consomme le pâturage et le dégrade. Résultat? La surpopulation détruit le pré et conduit ä la ruine de tous. Un funeste enchainement que Hardin avait qualifié de "tragédie des communs". Serait-ce le destin des Vélib' et de toute ressource partagée ? Pas si sûr.

 

Elinor Ostrom, Prix Nobel d'économie 2009, a démontré que de nombreux biens (forêts, pêcheries, cultures...) ont au contraire été durablement gérés en commun. A condition que certaines règles aient été édictées, avec des sanctions, même faibles, pour ceux qui ne coopéraient pas. Ostrom observait que, plutôt que chercher à maximiser son profit personnel, chacun faisait le plus souvent passer l'intérêt de la communauté avant le sien.

 

Pourquoi? "L'origine de la coopération" est l'une des grandes questions de la biologie de l'évolution souligne Jean-Baptiste André, qui l'étudie au département d'Études cognitives de l'Ecole normale supérieure. "L'être humain a une capacité à coopérer vraiment spécifique."

 

SOIGNER SA RÉPUTATION

 

Dès 15 mois, les enfants rejettent une répartition inéquitable, même si elle ne les lèse pas. Ce qui semble a priori incompatible avec la logique darwinienne. On comprend que les fourmis se sacrifient pour la fourmilière : comme elles ont les mêmes gènes que la reine, sa survie favorise leurs propres gênes. Ou qu'une lionne s'associe à d'autres pour attraper une proie.

 

Mais en quoi ressentir le besoin de prendre soin de biens partagés favorise-t-il la survie de nos gênes ?

 

Pour Jean-Baptiste André, le mot-clé est la "réputation" : "Ces comportements s'expliquent par un mécanisme dans lequel j'ai un intérêt à coopérer.

 

Parce que cela me donne une bonne réputation, qui va me permettre d'être plus souvent choisi comme partenaire et d'en tirer des bénéfices sociaux." Coopérer serait donc bien, sur le long terme, un comportement gagnant. "Lorsqu'un ami vous demande de l'aider, si vous refusez il va s'en souvenir. Il ya un coût social important.

 

Cet égoïsme ne sera pas mortel en soi. Mais lorsque Homo sapiens vivait en petits groupes, celui qui était rejeté du clan ne survivait pas longtemps. Une pression constante a donc favorisé ceux qui étaient les mieux acceptés par les autres. C'est-à-dire ceux qui coopéraient et avaient ainsi bonne réputation.

 

Voilà qui éclaire certains succès de l'économie du partage : nous coopérons d'autant plus que cela se sait. "Airbnb, BlablaCar ou eBay ont mis en place des systèmes de réputation qui se révèlent très efficaces. Saccager un appartement est risqué parce que la plate-forme met en ligne tous les commentaires. Dans le cas du Vélib', c'est l'anonymat qui a fait la différence", constate Vincent Malardé, spécialiste de l'économie collaborative ä l'université Rennes 1.

 

QUESTION DE CONFIANCE

 

"Le paramètre-clé, pour ces plates-formes qui mettent en relation des gens qui ne se connaissent pas, c'est de créer de la confiance confirme Thierry Pénard, professeur d'économie ä l'université Rennes 1. Or il n'y a contrat réciproque que si les tricheurs sont démasqués et sanctionnés. "Quand vous partagez un vélo, si vous savez que les autres n'en prennent pas soin, cela augmente la probabilité que vous fassiez de même", explique Stéphane Debove, docteur en psychologie évolutionnaire. D'ailleurs, les enquêtes montrent que la France ou la Chine sont justement des pays où la confiance dans les autres est en moyenne plutôt faible.

 

"Je ne serais pas étonné qu'on trouve une corrélation entre ce niveau de confiance dans les autres et le degré de vandalisme, avance Thierry Pénard. Il suffit qu'une minorité d'utilisateurs ne soient pas coopératifs pour que la confiance se dégrade très vite. "D'où l'importance de la renforcer, en dissuadant d'une part ceux qui ne voudraient pas jouer le jeu, mais aussi en faisant disparaitre toute trace visible de vandalisme.

 

Les biologistes nous préviennent: il n'y a pas de coopération s'il y a impunité. Et il n'y aura pas d'économie du partage réussie sans contrôle social institutionnalisé. Avec tous les risques que cela comporte pour les atteintes à la vie privée.

 

THEORIE DE LA BETISE

Thomas Cavaillé-Fol - SCIENCE & VIE 1223 - 08-2019

THEORIE DE LA BETISE

Notre esprit, loin d'être insondable, fonctionnerait de façon totalement superficielle !

Quid, alors des notions de convictions, de personnalité, d'inconscient ?

Avec la théorie de l'esprit plat de Nick CHATER, tous nos biais cognitifs s'expliquent enfin !

Il se focalise uniquement sur l'attention.

Il ne fait qu'interpréter à la volée.

Il fait illusion grâce à sa vitesse d'exécution.

INTROSPECTION

NOTRE MOI INTERIEUR EST UNE ILLUSION DE L'ESPRIT

Notre cerveau est si rapide à expliquer nos pensées qu'il arrive à nous faire croire qu'elles sont ancrées au fond de nous

 

LA BÊTISE RETROSPECTIVE

En dépit de la masse de souvenirs qui nous appartiennent, nous privilégions les dernières informations disponibles. Il est donc courant de délaisser nos souvenirs lointains pour ne se focaliser que sur l'instant.

LA BÊTISE DE CONFIRMATION

Les informations qui vont dans le sens de l'histoire que l'on se raconte et qui expliquent notre comportement vont apparaître clairement à l'esprit tandis que celles qui entrent en contradiction avec lui seront mises de côté. Et si ces informations atteignent tout de même la conscience, elles seront dédaignées, sous-évaluées.

LA BÊTISE DE COHERENCE

Pour donner une cohérence à notre comportement, nous sommes prêts à l'interpréter massivement, et même à modifier nos croyances, nos souvenirs et à en occulter d'autres. Notre esprit peut faire surgir en un instant n'importe qu'elle justification à nos actions !

LA BÊTISE D'ANCRAGE

La première interprétation ou la première impression s'ancre durablement dans le temps. Difficile de prendre en compte les informations suivantes et de se débarrasser d'un ancrage mental bien établi, même en dépit de la raison.

PERCEPTION

C'EST L'ESPRIT QUI NOUS TROMPE SUR NOS SENS

A trop vouloir nous offrir un monde cohérent, notre esprit nous leurre sur nos capacités de perception... et nous sommes assez bêtes pour le croire

 

LES BÊTISES DE LA PERCEPTION

Cette illusion d'une perception parfaite et d'une imagination aux mille détails génère des comportements stupides.

LA BÊTISE DE SURCONFIANCE

Non seulement nous pensons voir beaucoup plus que ce que nous voyons en réalité... mais nous surestimons en plus nos capacités et nos connaissances ! Plus encore, moins nous possédons de données, plus nous avons tendance à les interpréter, et plus nous croyons avec conviction en notre propre "expertise"...

LA BÊTISE DE SURFOCALISATION

Il est très utile, lorsque nous conduisons par exemple, de ne se focaliser que sur ce qui est important et d'ignorer tout signal sans intérêt.

Revers de cette surfocalisation : c'est elle qui fait que l'on se cogne contre un poteau quand on est fixé sur l'écran de notre portable. Et elle peut même devenir incontrôlable en cas d'addiction.

LA BÊTISE DE SURINTERPRETATION

C'est elle qui est responsable des premières impressions, qui nous font, par exemple, juger d'intelligence d'une personne sur la seule base de son physique... Cette interprétation insatiable est aussi la source du phénomène psychologique qui nous fait voir un visage dans un nuage.

 

Définition de l'intelligence

Définition de l'intelligence par le psychologue Howard Gardner :

Le potentiel de mobiliser des informations dans un contexte culturel pour résoudre des problèmes ou créer des choses et des concepts ayant une valeur dans cette culture.  (SCIENCE & VIE)

 

ON PENSE TOUS QUANTIQUE !

SCIENCE & VIE  - Octobre 2015

Dans l'article il est écrit :

- nos états d'esprit se superposent

- nos jugements interfèrent

- nos pensées peuvent s'intriquer

- nos perceptions oscillent quantiquement

Des expériences sont là pour le montrer.

 

LE BONHEUR

Emmanuel Monnier - SCIENCE & VIE 1181

LE BONHEUR

DANS L'ADN, LES CELLULES, LE CERVEAU...

MAIS OU SE CACHE-T-IL ?

 

A quoi tient le bonheur ? Tout le monde le cherche, mais où se cache-t-il ?

Dans la famille, l'argent, l'amour... comme la plupart d'entre nous nous en semblons convaincus.

Sauf que ces "joies" de l'existence ne durent pas.

Par ailleurs, certains semblent plus facilement heureux que d'autres.

Une certitude, la quête du bonheur est câblée en nous.

Dans notre cerveau, dans nos gênes, dans les rouages de notre corps, dans l'évolution de notre espèce, qui a fait du bonheur une aptitude à part entière.

 

Un bonheur qui se cache... en nous

Tout se passe comme si chacun avait un niveau fixé de bonheur vers lequel il retourne plus ou moins, quoi qu'il fasse (Daniel Nettle - Université Newcastle RU)

Neurobiologistes, généticiens, biologistes : le bonheur se cache au croisement des mécanismes cérébraux du plaisir, du désir et de la représentation du futur.

Le cerveau humain n'est sensible qu'aux comparaisons

 

Où se cache le bonheur ?

Dans l'ADN, des gènes y prédisposent

Une nouvelle génétique du bonheur

 

Rien de définitif pour la vie

L'importance de l'environnement

Faire soi-même son bonheur ?

 

Où se cache le bonheur ?

Dans le cerveau, des circuits spécifiques l'activent

Se réjouir de ce que l'on va vivre

Circuits primitifs du désir

L'action sans le jugement

 

Où se cache le bonheur ?

Dans le corps, des signaux biologiques lui sont dédiés

Une question d'hormones... mais pas seulement

On peut agir sur notre bien-être

 

Le bonheur, un avantage évolutif ?

Les neurobiologistes : motiver la quête de nourriture et, ainsi, assurer la survie de notre espèce.

 

On vision utilitaire du bonheur

Une émotion communicative

Programmé pour être insatisfait

 

Vous avez dit complot ?

Vincent Nouyrigat - SCIENCE & VIE 1187

Vous avez dit complot ?

Nos cerveaux programmés pour y croire

Pourquoi notre cerveau voit des complots partout

Le système fronto-temporal gauche se joue des probabilités

Le cortex temporal médian jongle avec les causalités

Le carrefour temporo-pariétal perçoit des intentions partout

L'amygdale réagit aux situations anxiogènes

Le cortex préfrontal médian se méfie d'autrui

Le cortex préfrontal droit surinterprète chaque détail

Le cortex préfrontal biaise notre opinion

Pour notre cerveau, les moindres détails font sens.

Nous croyons repérer des intentions partout.

Notre esprit doute des coïncidences.

Notre cerveau se méfie à l'excès des inconnus.

Nous associons des grandes causes aux grands chocs.

Les situations anxiogènes modifient nos perceptions.

Notre système cognitif s'enferme dans ses propres croyances.

Comment faire la part des choses ?

Des théories qui ont envahi la culture populaire...

... et sont amplifiées par internet

Chercher à démontrer seulement que ces théories sont fausses ne fonctionne pas.

Il faut être conscient de nos biais cognitifs et des pièges de notre intuition.

Le triple impact du complotisme : sanitaire, social et environnemental.

 

Voiture autonome - L’algorithme de la mort

Anne Debroise - SCIENCE & VIE  1191

Quand l’éthique défie la technique

Que fera la voiture autonome quand elle ara le choix entre percuter un bus scolaire et s’envoyer dans le décor, avec ses passagers ?

La question intéresse depuis quelque temps les psychologues.

Enquête auprès des constructeurs de voitures et de pilotes automatiques.

La question est plus compliquée que ce qu’ils veulent bien reconnaître.

Les véhicules conduisant à notre place sont voués à déferler.

Question : en cas d’accident imminent, comment leurs logiciels réagiront-ils ?

Qui sauveront-ils ?

Qui écraseront-ils de préférence ?

Selon quels algorithmes, écrits en amont ?

Anne Debroise est allée poser la question aux constructeurs. Car leur choix sera aussi moral.

Contexte :

Depuis août 2016, la France autorise sur ses routes le test de prototypes de voitures sans chauffeur – sous supervision humaine permanente. Dans le viseur, des véhicules 100% autonomes, capables de prendre des décisions cruciales en cas de danger.

 

Le dilemme du tramway revisité

Un véritable enjeu commercial

Un défi éthique qui devient technique

Tous les accidents ne seront pas évités

En conclusion

La voie prônée par les constructeurs pour s’affranchir des questions éthiques en faisant la preuve d’une sécurité irréprochable s’avère donc très étroite.

D’autant plus que la transition vers les voitures totalement automatisées ne se fera pas sans heurt.

Les individus, face à une situation critique ne font pas de choix. Tout va si vite que le cerveau humain n’a pas le temps de raisonner : il freine par réflexe.

Ironique renversement des choses : nous demandons aux machines de répondre à des questions que nous ne nous posons pas.

La rapidité de calcul des logiciels de conduite des voitures autonomes ouvre ni plus ni moins un nouveau champ de questionnements éthiques, inexistant jusqu’ici.

Asimov nous avait prévenus : l’avènement des robots est aussi, et peut-être avant tout, un bouleversement d’ordre moral.

 

Le casque obligatoire à vélo : pas une si bonne idée ?

T-L H - SCIENCE & VIE 1196

LE RAPPEL DES FAITS

Depuis le 22 mars, la loi rend le port du casque à vélo obligatoire pour les enfants de moins de 12 ans, conducteurs ou passagers.

La France est le 26° pays à adopter ce type de législation.

 

S'il est déjà recommandé depuis longtemps, le port du casque à vélo est maintenant obligatoire pour les enfants de moins de 12 ans, qu'ils soient conducteurs ou passagers. Sur le site du ministère de l'Intérieur, la mesure est justifiée par la volonté d’encourager l'apprentissage du vélo, excellent pour la santé comme pour la qualité de l'air.

 

Pourtant, la majorité des associations de promotion du cyclisme ont toujours exprimé leur désapprobation face à une telle mesure coercitive, arguant que ce type de décision n'améliore pas la sécurité des usagers à vélo.

 

Mieux PROTÉGER LA TETE

Certains estiment même que le port du casque modifie le comportement des cyclistes : se sentant en sécurité, ils font moins attention et finissent par être impliqués dans plus d'accidents.

 

Que dit la science sur la question?

De nombreuses études se sont intéressées à l’efficacité du casque en tant que protection, et à sa capacité à réduire les blessures à la tête. L'année dernière, dans une méta analyse qui recensait plus de 64000 blessures de cyclistes à travers le monde, le mathématicien Jake Olivier a montré que le port du casque permet de réduire les risques de blessures à la tête de 51 %. Et la réduction est encore plus marquée pour les blessures sévères et fatales (69 % de réduction dans les deux cas).

 

Pas de doute : le casque réduit bel et bien les risques de se blesser.

 

Oui, mais d'autres études montrent, en parallèle, que l’efficacité des lois sur le port du casque est, elle, beaucoup moins probante.

 

UN PROBLÈME DE VISIBILITÉ

Une étude de Kay Teschke datant de 2015 s'est intéressée au cas du Canada, où seules certaines provinces disposent de lois d'obligation. Résultat: il y a autant de blessés à la tête dans les provinces avec et sans législation. Le signe que le casque modifie le comportement des cyclistes? L’étude montre en tout cas que les accidents de la circulation impliquant un vélo diminuent dans les provinces où cette pratique est plus répandue. Un phénomène de “sécurité par le nombre" déjà pointé par plusieurs autres travaux: plus les cyclistes sont visibles, plus on fait attention à eux.

 

L'obligation du port du casque à vélo n'est pas une si mauvaise idée, juge Jake Olivier, mais elle doit s'inscrire dans une stratégie globale de réduction des risques. Seule, elle risque d'être inefficace.

 

Parmi les autres mesures à mettre en place figure notamment le développement d'infrastructures dédiées à la pratique du vélo.

Kay Teschke recommande ainsi des pistes cyclables séparées physiquement du trafic routier. Il est à noter que les deux pays dans lesquels les cyclistes sont les plus nombreux, les Pays-Bas et le Danemark, n'ont pas de loi sur le port du casque.

 

Réseaux sociaux, e-mails

 Kheira Bettayeb - SCIENCE & VIE 1197

Non, internet ne nuit pas au cerveau

Consultation de mails à toute heure, envois de tweets en rafales, messages permanents sur Facebook tout en regardant la télé. En quelques années, la grande majorité d'entre nous s'est vue happée par les immenses possibilités d'ultra-communication et d'ultra information offertes par internet. 74 % de la population française y accède quotidiennement, pour une durée moyenne de 18 heures par semaine.

Evidemment, ce n'est pas la première fois qu'une nouvelle technologie de la communication s’immisce dans notre quotidien.

Mais jamais aucune ne s'est propagée aussi vite en une génération à peine ! et aussi largement.

“L’omniprésence d'internet et des nouveaux médias numériques constitue un changement de société majeur. Cela aura forcément des impacts sur notre cerveau ”, commente Francis Eustache, au laboratoire Inserm Neuropsychologie et neuroanatomie fonctionnelle de la mémoire humaine, à Caen.

Au point “de réorganiser nos encéphales? “Non, il est peu probable que l'usage d'internet modifie le câblage même de notre cerveau et que l'on voie apparaître, par exemple, une nouvelle aire cérébrale dédiée au Net. En effet, les facultés mises à contribution par son usage (vision, lecture...) ne sont pas  nouvelles", précise Jean Philippe Lachaux, spécialiste de l’attention au Centre de recherche en neurosciences de Lyon.

 

LA SCIENCE PREND DU RECUL

“En revanche, cette pratique modifiera forcément le fonctionnement du cerveau, avec par exemple une mobilisation différente des processus neuronaux impliqués dans la mémoire ou la concentration ”, prévient le chercheur. Mais les possibles effets de notre vie hyper connectée seront-ils forcément négatifs pour nos facultés cognitives ? Dès l'émergence du Web dans notre vie, plusieurs chercheurs l'ont pointé du doigt et des études ont montré que ce nouvel outil pourrait affaiblir notre mémoire, diminuer notre attention, réduire nos performances intellectuelles, ou encore favoriser des troubles du comportement comme la dépression, le narcissisme ou l’insociabilité.

Oui, mais voilà, plus le temps passe et plus la science prend du recul.

 

Désormais, plusieurs chercheurs déplorent le caractère exagéré de ces inquiétudes, compte tenu des données scientifiques existantes", souligne le neurobiologiste Kep Kee Loh (Institut cellules souches et cerveau, Inserm, Lyon), auteur d'un article publié fin 2016, intitulé “Comment l'internet a t’il transformé la cognition humaine ?”. Après enquête, il s'avère même que, par certains aspects, internet pourrait se révéler très bénéfique pour notre cerveau.

Prenons le cas de la mémoire. Le web ne l'affaiblit pas toujours. Pourtant, l'une des craintes les plus fortes vis à vis d'internet et des réseaux sociaux est qu'à force de compter sur eux pour trouver une information au lieu de faire l’effort de la mémoriser, nous finirions par apprendre et surtout par retenir moins d’informations. C’est ce que la psychologue américaine Betsy Sparrow a appelé "l'effet Google".

Or, surfer sur le Net pourrait en réalité augmenter les performances de l'une des composantes de notre mémoire: la mémoire de travail visuelle. C'est elle qui permet de stocker et de manipuler des images perçues à court terme, Cela aurait pour résultat de nous permettre de suivre plus d'objets en même temps sur un écran (30 % en plus, selon certaines études). En effet, plusieurs travaux sur des joueurs de jeux vidéo suggèrent qu'être exposé à des activités multitâches ce qui est le cas quand on surfe sur interne test associé à une meilleure mémoire visuelle.

 

UN BON “EFFET GOOGLE

Pour Patrick Lemaire, docteur en psychologie à l'université d'Aix Marseille, comme pour un nombre croissant de chercheurs, “l'effet Google” doit être relativisé : “Il se peut effectivement qu'on intègre moins d'informations de façon intentionnelle. Mais on n'a pas attendu l’arrivée du web pour ne plus apprendre par cœur la liste des départements français! De plus, mémoriser moins d’informations de façon volons taire ne va pas faire disparaît recette faculté. Enfin et surtout, on continue à stocker des informations de façon non intentionnelle. Or, au moins 80 % de ce qui estrans notre mémoire à long terme - prénoms, dates anniversaires, etc.- A été stocké via ces apprentissages non intentionnels.

”Pour notre cerveau, il existe aussi un effet collatéral bénéfique à ces économies sur la mémorisation. “S’appuyer sur la technologie en tant que source de mémoire externe permet dé libérer des ressources cognitives supplémentaires pour d'autres opérations prioritaires, comme la réflexion ou la prise de décision ”, explique Kemp Klee Loh.

De quoi renforcer toutes nos capacités cognitives? L’hypothèse est confortée par des observations réalisées dans le cas du vieillissement cognitif. “Nous savons que celui-ci peut-être contré par des activités cognitives de haut niveau, comme le raisonnement ou la communication, ou l'exposition à des contenus culturels diversifiés et nombreux, explique Patrick Lemaire, Or, toutes ces situations sont potentiellement favorisées par internet et les réseaux sociaux. ”

Une étude américaine parue en 2009 suggère ainsi que la recherche d'informations sur internet pourrait réduire le vieillissement cognitif chez les seniors. L'équipe du psychiatre Gary Small (université de Californie) a observé, grâce à la technique d'IRMf, le cerveau de 24 adultes âgés de 55 à 78 ans utilisant (fréquemment ou non) internet. Résultat: “Lors de tests de recherches sur internet, les personnes in expérimentées présentaient une activation cérébrale similaire à celle se produisant lors de la lecture sur papier. En revanche, le groupe habitué au Net a montré, lui, une augmentation significative d'activité dans des régions supplémentaires contrôlant la prise de décision, le raisonnement complexe et la vision: cortex frontal, région temporelle antérieure, hippocampe...”, précise GarySmall. D'où l'idée que le Net pourrait aider à améliorer les fonctions de raisonnement et de prise de décision chez les seniors.

 

Les réseaux sociaux constitueraient aussi une aide pour les plus jeunes.

Des travaux menés sur 100 étudiants et publiés en 2014 par le psychologue toulousain Jean François Bonnefon et ses collègues suggèrent qu'à court terme, les réseaux sociaux ont un effet positif pour la prise de décision.

Dans une expérience en cinq étapes, les volontaires, mis en réseau, ont pu trouver la bonne solution à un problème mathématique; surtout, le réseau a permis la propagation de ce résultat exact parmi les utilisateurs...

 Ces contagions de résultats sont intéressantes pour la prise de décision, “à condition d'apprendre par la suite comment arriver par soi même à Ia bonne réponse, pour ne pas être dépendant des réseaux sociaux ”, précise ce pendant Jean François Bonnefon.

 

“SWITCH” ATTENTIONNEL

Enfin, l'une des idées le plus largement répandues à propos de notre hyper connexion, c'est qu'elle éroderait nos capacités à focaliser notre attention. “L'attention est un processus biologique qui a évidemment ses limites", insiste le neuroscientifique Jean Philippe Lachaux. Oui, mais "certaines de ces limites peuvent être partiellement dépassées, et nos capacités attentionnelles augmentées via des apprentissages ”, rétorque Patrick Lemaire. C'est le cas, par exemple, lorsque nous apprenons à conduire: au début, nous devons faire attention à chaque fois que nous passons une vitesse; puis, peu à peu, les gestes s'automatisent et nous les effectuons sans réfléchir. Dans le cas d'internet, “à force d'effectuer certaines tâches en ligne, il est possible que nous parvenions également à les automatiser; ce qui nous permettrait d'avoir plus d'attention pour d'autres activités et d'en réaliser plusieurs en parallèle, comme discuter avec une personne en face de soi tout en répondant de temps à temps à des messages instantanés ”, poursuit le chercheur marseillais.

Internet pourrait également améliorer la flexibilité attentionnelle, un mécanisme de l'attention qui permet de passer d'une activité à une autre en restant concentré. En effet, “il est très probable qu'à force de 'switcher' fréquemment lors de la navigation sur internet ou sur les réseaux, nous augmentions encore une fois, dans une certaine mesure I’efficacité des mécanismes de 'switching' attentionnel ”.

En fait, “seul un mauvais usage d'internet et des réseaux sociaux, notamment leur utilisation à forte dose, pourrait poser problème, recadre Patrick Lemaire. Il faut arrêter de se faire peur avec internet, notre cerveau a finalement beaucoup de choses à en attendre ”.

 

Des réseaux qui rendent plus sociable ? Facebook et les autres réseaux sociaux limitent-ils les contacts “réels”? Une enquête réalisée par Olivier Martin et Eric Dagiral à l’université Paris Descartes indique tout le contraire, du moins chez les jeunes encore étudiants. lls ont analysé l’usage de Facebook de 1 102 étudiants de 18 à 25 ans. ll en ressort que ce réseau social favorise et enrichit en fait leur sociabilité !

Les discussions y sont souvent le prolongement d'échanges entamés dans la “vraie” vie. “Plus de 9 jeunes sur 10 utilisent Facebook pour organiser leurs activités ou discuter avec des proches vus dans la journée”, précisent les sociologues.

 

Les neurosciences ne remplacent pas la pédagogie

H.P. - Juillet 2018

Aménagements des rythmes scolaires

 Kheira Bettayeb - SCIENCE & VIE 1198

Les 4 avis scientifiques que personne ne suit

 

Parmi ses premières mesures, le président Emmanuel Macron a annoncé vouloir permettre aux communes qui le souhaitent de revenir sur la réforme des rythmes scolaires de 2013.

Si cette perspective a ravi plus d'un élu, d’autres ont vu d'un mauvais œil ce “retour en arrière", jugé dommageable pour les enfants. Car tous les spécialistes ne cessent de le répéter: l’organisation du temps scolaire répond toujours plus aux exigences socio économiques et politiques qu'aux rythmes biologiques  de l'enfant (c’est à dire aux fluctuations, imposées par l'horloge biologique, de son degré d'éveil, de son attention, de ses capacités cognitives ou de sa mémorisation).

La réforme Peillon a tout de même eu le mérite de tenter pour la première fois !de faire en sorte que les horaires de l’école tiennent compte de ces rythmes biologiques.Mais elle a laissé de côté certains points qu'il était pourtant crucial de revoir...

Quels changements faudrait-il opérer dans les aménagements des temps scolaires qu'ils soient plus adaptés aux besoins des enfants? Pour y voir plus clair, nous avons analysé différentes études sur les rythmes biologiques des enfants, et demandé l'avis de plusieurs spécialistes des rythmes biologiques et psychologiques.

Une enquête sensible, car les rythmes scolaires intéressent différents lobbies, et les avis des scientifiques divergent sur certaines questions. Cependant, un consensus se dégage sur quelques points importants.

Voici quatre recommandations à adopter. si l’on veut enfin tenir compte de l'intérêt des enfants.

 

1 - SCOLARISER LE SAMEDI MATIN PLUTOT QUE LE MERCREDI

Tous les scientifiques s'accordent sur le fait que la semaine de 4.jours et demi est une meilleure option que celle de 4 jours à laquelle pourraient revenir un certain nombre de communes en septembre 2018. Car elle permet une meilleure répartition des vingt-quatre heures scolaires obligatoires par semaine, et allège ainsi chaque journée.

Lors de la réforme de 2013, plus de 98% des communes ont opté pour le mercredi matin, plus adapté à la société actuelle, habituée au samedi matin vaqué. Certains experts (comme le psychophysiologiste Hubert Montagner) estiment que cette option est la meilleure. Notamment parce qu'’elle éviterait, selon eux, “une rupture du rythme de vie des enfants ”, et assurerait ainsi une continuité dans la semaine, “source de stabilité ”. Or, pour de nombreux scientifiques, l’explication ne tient pas: “Si l'on suit cette logique, il faudrait aussi scolariser le samedi et le dimanche matin ”, raille la chronobiologiste et psychologue Claire Leconte (université Lille 3). De fait, deux rapports scientifiques antérieurs à la réforme de 2013, l'un de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), l'autre de l'Académie de médecine, privilégiaient clairement le samedi matin. Une option encore défendue par beaucoup d'experts. Et pour cause : plusieurs travaux ont montré que le samedi matin libre favorise  l'endormissement tardif de l’enfant deux soirs de suite [vendredi et samedi), ce qui retarde d'autant son horloge biologique et le désynchronise le lundi et le mardi matin... A noter: une étude publiée en février, réalisée sur 177 élèves de 14 ans, a montré pour la première fois que plus les couchers le week-end sont tardifs, plus le volume de matière grise cérébrale des adolescents diminue (ainsi que leurs performances scolaires). Pour en revenir au mercredi matin, une étude menée à Arras, rendue publique en juin 2016, indique que 82 % des enseignants, 46 % des animateurs et 64 % des parents estiment que les derniers aménagements fatiguent les enfants; De son côté, le rapport de l'Inserm déjà cité indique que laisser le mercredi libre jusqu'à la fin du primaire “permet un lever spontané supplémentaire qui apparait favorable à l'équilibre de l’enfant”. Pour Claire Leconte, il ne fait aucun doute que “le mercredi matin scolarisé est un choix par défaut, et non dans l'intérêt de l'enfant”.

 

2 - RETARDER L'HEURE D'ENTREE A L'ECOLE LE MATIN 

La réforme de 2013 n'a rien changé sur ce point. Or, une étude canadienne publiée en 2016 a montré que 36% des 10-18 ans qui commencent les cours à 8 h ne dorment pas assez, et 65 % se sentent fatigués. Concernant spécifiquement la France, des enquêtes ont révélé que près de 30 % des 15-19 ans sont en dette de sommeil. “A la puberté, l’horloge biologique des adolescents subit naturellement un décalage horaire de deux à trois heures. Il devient alors très difficile pour eux de s'endormir avant  23h, et de se lever avant 8h, explique l’épidémiologiste Geneviève Gariépy, co-auteur de ces travaux. Commencer les cours vers 9h 30 ou 10h serait plus compatible avec leur horloge biologique". Une autre étude parue en février 2017, menée sur 30 000 lycéens américains, a mis en évidence, elle, que retarder d'une heure l'entrée en cours des adolescents améliore leur taux de présence à l'école et leurs chances de réussite aux examens. Ainsi, deux ans après  un démarrage différé des cours à 8h ou 9h, au lieu de respectivement 7h ou 8h, le taux moyen d'obtention du diplôme a grimpé en moyenne de 79 % à 88 %. Quant au taux de présence, il est passé de 90% à 94 % en moyenne, voire de 68 % à 99 % dans certains établissements !

Dès 2001, un rapport de l'Inserm recommandait de retarder l'heure d'entrée en cours des adolescents... Pour les plus jeunes, il précise: “Chez les 6-7 ans, 46 % des 'gros dormeurs nocturnes' (1 1 h 17à 12h43 de sommeil et 20 % des 'petits dormeurs' ont un réveil provoqué en période scolaire". Cela dit, il n'existe pas de consensus concernant l’idée de commencer l'école plus tard aussi en maternelle et en primaire.

“Contrairement aux adolescents, les jeunes enfants sont plutôt du matin et se lèvent naturellement tôt. Chez eux, le problème vient surtout de couchers trop tardifs ”, tempère Claire Leconte.

 

3 - ALLEGER LA JOURNEE SCOLAIRE

En ajoutant une demi-journée d'école, la réforme de 2013 visait justement à alléger la journée scolaire (5h40 par jour au plus, contre 6 h auparavant). Mais lorsqu'on ajoute à ce temps scolaire les heures d'activités périscolaires et de garderie nécessaires pour beaucoup d’enfants dont les parents travaillent le temps de présence des enfants à l'école pouvait atteindre huit à dix heures. Or, concernant les apprentissages scolaires mêmes, plusieurs études ont montré que les enfants ne peuvent rester concentrés plus de quatre à six heures par jour, selon l’âge.

En 2005, François Testu et Baptiste janvier (université François Rabelais de Tours) ont observé 30 élèves de maternelle (45 ans), 60 de CP (6-7 ans), et 80 de CM2 (10-11 ans). Résultat?

Tous âges confondus, le niveau de vigilance augmente au fil de la matinée  - surtout entre 9h50 et 10h40. Ensuite, tout dépend de l'âge. La vigilance des 4-5 ans augmente lors de la pause déjeuner, entre 11h40 et 13h50, puis diminue l'après-midi. Chez les primaires, la vigilance diminue à la pause déjeuner, avant d'augmenter à nouveau en deuxième partie d'après-midi, de façon plus légère chez les CP que chez les CM2. Grosso modo, les plus jeunes sont réceptifs surtout en matinée, soit pas plus de trois heures; les plus grands, le matin et en deuxième partie d'après midi, soit environ six  heures. “Ces données suggèrent qu'il faut alléger Ia journée de travail scolaire différemment selon l'âge ”, conclut François Testu.

 

4 - REVOIR LE DECOUPAGE DES VACANCES

La réforme Peillon n'avait apporté aucun changement à ce niveau. Pourtant, alors que les chronobiologistes recommandent en général 7 semaines d'école, suivies de 2 semaines de repos, les élèves de la zone C, par exemple, n'ont eu cette année que 32 jours de classe entre les vacances de Noël et d'hiver, mais ont dû se lever tôt 11,5 semaines d’affilée entre les vacances de Pâques et d'été. .. Concernant ces dernières dont la durée de 2 mois fut décidée en 1939 pour que les enfants puissent aider aux travaux agricoles…“il serait judicieux de les écourter afin d'allonger les congés d'hiver. Car alors, les enfants ont besoin de plus de sommeil ”, explique Jacques Taillard, neurobiologiste spécialiste des :rythmes biologiques (CNRS, Bordeaux). En effet, “la tombée de la nuit, plus précoce en hiver, induit une sécrétion plus tôt de l’hormone de l'endormissement, la mélatonine”. Réduire les vacances d’été permettrait également d'avoir plus de jours scolarisés et d'alléger la journée scolaire. Enfin, “cela diminuerait les inégalités de réussite entre les enfants de milieux défavorisés et les autres, qui ont, eux, les moyens de pratiquer des activités scolaires l'été”, indique Bruno Suchaut, chercheur en sciences de l’éducation à l’université de Lausanne. Lors d'une étude menée sur 257 collégiens français, le chercheur a en effet observé qu'à l'issue des vacances d’été, les plus favorisés amélioraient leurs performances de 0,5 point sur 20, en moyenne.

 

Respecter les rythmes... à la maison aussi

“Rien ne sert d’adapter les horaires scolaires aux rythmes biologiques des enfants s’ils ne sont respectés à la maison. Et là, cela relève des parents", insiste Jacques Taillard.

Les conseils des experts sont connus: information de l’enfant sur le rôle du sommeil pour sa santé. Horaires de lever et de coucher réguliers, restriction des écrans…

“Un coucher tardif n’est pas totalement compensé par un lever tardif car la qualité du sommeil n’est pas aussi bonne en matinée qu'’en début de nuit, ajoute Claire Leconte. En cas des coucher tardif, préférez une sieste lors du creux de vigilance, après le déjeuner.

 

Cerveau : il cache une arme contre son propre déclin

Aude RAMBAUD - SCIENCE & VIE 1199

 

DEUX ZONES TRES LOCALISEES DE REGENERATION PERPETUELLE

Deux réserves de neurones immatures ont à ce jour été localisées dans le cerveau humain.

L’une dans l'hippocampe,  zone qui régule les émotions et ou se forment les souvenirs ; il s‘y produit jusqu‘à 700 nouveaux neurones par jour. L’autre réserve se situe dans le striatum, région qui abrite le système de récompense et qui produit le plaisir.

DE QUOI RELANCER LA MACHINE

Ce qui apparait clairement, en revanche, c’est que fabriquer de nouveaux neurones à l’âge adulte n’est pas un dû et que ce processus nécessite certaines conditions.

 “Il existe en effet des facteurs favorables et d'autres pas, et, malheureusement, la vie moderne fait pencher la balance en faveur des seconds."

La sédentarité, le surpoids, la passivité, le stress, l’isolement social ou encore le manque de sommeil freinent ce phénomène.

Alors, en attendant de percer tous les mystères de notre fascinant cerveau, rien ne nous empêche déjà de tout faire pour relancer la machine de sa régénération.

 

 

 

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