J.-B. Paillisser
Fini les ateliers, les enquêtes, les recommandations
savantes, les outils d'évaluation, la santé mentale acquiert toute
sa place dans le monde sportif. Il était temps pour ceux qui
prétendaient que la gestion de la santé mentale était devenue le
problème principal des sportifs sans jamais être tout à fait
entendu.
Stress, déprime, dépression, peur de perdre et/ou de gagner,
survalorisation, stakhanovisme des entraînements, les sportifs
professionnels ou amateurs sont souvent soumis à des pressions
physiques et mentales considérables handicapant leurs potentiels.
Ils se confrontent quelquefois à un stress physique et mental
intense et leurs équipes -quand elles existent- ont enfin commencé à
reconnaître l'importance de la santé mentale pour la construction de
la performance sportive. Une première, le CIO et le Comité
international paralympique dans le cadre de son soutien à la santé
mentale ont créé une ligne d'assistance dédiée, baptisée « Mentally
Fit » à la faveur des JO de Paris. Elle est animée 24h/24 par des
conseillers experts dispensant soutien, conseils et orientation en
70 langues.
Cette offre gratuite peut être déclinée, selon les besoins, en 6
séances de conseils jusqu'à trois mois après la compétition. Elle a
été disponible avant, pendant et l'est après les Jeux conformément à
la recommandation n°5 de l'agenda olympique 2020+5. Ce dispositif
s'appuie sur des outils d'évaluation (SMHAT), un référentiel de
santé mentale athlète d'élite, un programme de qualifications et de
diplômes. Désormais, les clubs et les coaches prennent en compte la
santé mentale de leurs athlètes pour les aider à améliorer leurs
performances.
SES MANIFESTATIONS CHEZ L'ATHLÈTE
Alliée ou ennemie de la performance, son rayon d'action s'avère très
large. Isabelle Inchauspé, ex-joueuse de tennis de bon niveau
aujourd'hui reconvertie dans l'accompagnement psychologique des
sportifs, qualifie ainsi la santé mentale:
« C'est un terme qui pourrait se définir en fonction de personnes et
de leurs activités de manière différente. Pour un sportif de haut
niveau, la santé mentale est un état d'équilibre entre ce qu'il vit
émotionnellement tous les jours et la pratique quotidienne de son
sport. » On a affaire à un équilibre précaire, synonyme de sens. «
Cet équilibre, poursuit la psychologue, lui permettra de rester
lucide dans ses prises de décisions. Il sera plus heureux dans
l'exercice de son sport et dans l'acception de la souffrance que
demande l'effort de son sport parce qu'elle est porteuse de sens ».
RECONNAISSANCE TARDIVE ET PARTIELLE DU DANGER
La question paraît nouvelle mais elle ne l'est pas, souligne
Isabelle Inchauspé: « Dans notre société, la pression du résultat,
la définition que l'on donne à la réussite "toujours plus" d'argent,
de célébrité, de visibilité sur les réseaux sociaux est de plus en
plus forte.
Les sportifs n'échappent pas à ce phénomène.
Des Fédérations, des agents, des parents, des entraîneurs ou des
sponsors peuvent demander toujours plus au sportif. Ce "plus" crée
un déséquilibre émotionnel, une perte de contrôle de son projet et
des surcharges de tout [entraînements, compétitions, sollicitations,
ndlr]. Dans ce contexte, qui touche presque tous les sports
aujourd'hui, la perte d'une bonne santé mentale va extrêmement vite
et elle est davantage fréquente donc visible. » Le temps est donc
compté pour diagnostiquer un problème de santé mentale. « Les
athlètes concernés sont moins complexés qu'auparavant pour consulter
sur leur problème psychologique », nous déclare un entraîneur.
SA PRISE EN COMPTE PAR LE SPORT
Le traitement de la santé mentale des sportifs ne génère pas
forcément de « recettes » universelles. Selon Isabelle Inchauspé, «
plusieurs personnes peuvent aider l'athlète à se renforcer
mentalement.
Tout d'abord l'entraîneur qui doit bien écouter les besoins du
sportif et bien comprendre son projet pour connaître les forces et
les freins de l'athlète afin de mieux y répondre. Des spécialistes
comme des psychologues ou préparateurs mentaux qui vont donner de la
conscience de soi et des outils de gestion de soi.
L'entourage proche qui va par son attention quotidienne aider
l'athlète à avoir une bonne santé mentale. En revanche, je ne suis
pas en mesure de donner des recettes car il y a autant de recettes
que d'athlètes. »
L'ACCOMPAGNEMENT PROFESSIONNEL
Ce n'est pas faute de disposer de spécialistes connus et reconnus.
Les psychologues sportifs et les préparateurs mentaux, les
conseillers en santé mentale et les programmes de bien-être peuvent
aider de façon significative les athlètes à surmonter les problèmes
de santé mentale. Les équipes ou les clubs peuvent réduire le stress
en fournissant un environnement de soutien et en encourageant les
sportifs à prendre des pauses régulières pour se reposer, récupérer
et se retrouver psychologiquement.
Cependant, les équipes et les clubs malgré leurs efforts salutaires
dans ce domaine n'ont pas toujours recours à des professionnels de
santé mentale, à une aide plus spécialisée et au concours plus ou
moins durable d'un professionnel de santé. Par conséquent, il existe
toujours un manque de recherche et de sensibilisation à ces
problèmes de santé mentale chez les athlètes d'endurance et d'ultra
endurance que le milieu sportif occulte quelquefois. Augmenter son
bien-être émotionnel, stabiliser la pression, se sentir bien dans sa
tête constituent autant d'atouts pour les sportifs. Autant de
données à intégrer, selon les besoins, dans leur préparation
mentale.
Une conquête prenant en compte la globalité du pratiquant qui
éviterait à ce dernier les déconvenues de la vie et de la carrière.
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