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LE CYCLE  

 

La santé mentale

LE CORPS VA BIEN... ET LA TÊTE ?

LE CYCLE - N° 572 - OCTOBRE 2024

 

Cédric LEROY

Isabelle INCHAUSPÉ

J.-B. Paillisser

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Editorial Cédric LEROY

Un mental à revers

Une surcharge mentale qui dégrade la santé.

 

La motivation, le mental, voici bien l'autre qualité du sportif. Capable de vous transcender pour dépasser vos limites. Toujours plus loin pour des défis toujours plus fous, le mental est une force incommensurable pour l'être humain. Pour autant, cette force mentale est une valeur immatérielle chez le sportif. Or chacune et chacun peut s'entraîner à la développer ou l'améliorer afin d'accroître ses performances. Une préparation mentale permet au sportif de rester positif, d'affronter ses peurs, d'affirmer clairement ses ambitions et d'atteindre ses objectifs. Ceci passe par la confiance en soi, l'envie de réussir.

Les jeux Paralympiques de Paris 2024 ont réuni des athlètes handicapés du monde entier, chacun ayant surmonté des défis personnels pour atteindre l'excellence à la force du mental. À travers leurs parcours inspirants, ces sportifs démontrent que le mental transcende les limites physiques lorsqu'il s'associe à la résilience, la persévérance et le courage.

Mais à force de vouloir toujours plus, le cerveau sature. L'implosion face à la pression de la peur de perdre ou de gagner, de rester au niveau, ce « toujours plus » crée un stress émotionnel, une surcharge mentale qui dégrade la santé de l'individu. Le phénomène de santé mentale est devenu un fait de société, sa reconnaissance et sa prise en charge, grâce à certains athlètes qui ont levé quelques tabous, ont mis en lumière les manques de considération pour ce sujet. La dépression du sportif malgré une façade dans l'effort est réelle à tous les niveaux. Se sentir bien dans sa tête n'a jamais été aussi important pour réaliser ses challenges sportifs.

 

 

Isabelle INCHAUSPÉ

 

Docteure en psychologie, spécialiste de l'accompagnement des sportifs de haut niveau et des managers en entreprises depuis plus de vingt-cinq ans.

 

Le phénomène de santé mentale est devenu un fait de société. Il toucherait 13 millions de Français. C'est aussi un indicateur de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) qui lui reconnaît un statut de droit humain universel.

C'est enfin une réalité à laquelle sont confrontés les sportifs de tous niveaux.

Le lien entre la préservation de la santé mentale et la réalisation de la performance demeure étroit.

« Réaliser une performance dans le sport de haut niveau n'est pas uniquement un résultat, c'est vivre son potentiel à 100% le jour J, observe-t-elle. Il faut être en pleine possession de ses moyens mentaux : poser des objectifs clairs et atteignables, gérer ses mentions paralysantes et utiliser ses émotions aidantes, prendre les bonnes décisions à l'instant T et pouvoir lâcher prise pour aller au-delà de soi ...

Parvenir à une telle connaissance de soi et à une telle maîtrise [forme d'équilibre, ndlr] est indispensable pour performer ».

La santé mentale recouvre des aspects positifs, explique l'ancienne sportive: « Il existe plusieurs aspects positifs liés à une bonne santé mentale. Certains me paraissent incontournables : ressentir du bien-être dans ce que l'athlète vit et fait tous les jours : être en pleine conscience et en accord avec soi. Développer une confiance en soi [liée au bien-être]. Gérer ses émotions de manière juste : savoir s'adapter. Savoir s'entourer de personnes ouvertes, aidantes dans le respect pour la réalisation du projet de l'athlète. Oser innover dans la recherche de la performance : le sportif se sent suffisamment lucide sur ses besoins et il peut donc aller chercher des pistes qui ne sont pas encore utilisées.

 

 

J.-B. Paillisser

 

Fini les ateliers, les enquêtes, les recommandations savantes, les outils d'évaluation, la santé mentale acquiert toute sa place dans le monde sportif. Il était temps pour ceux qui prétendaient que la gestion de la santé mentale était devenue le problème principal des sportifs sans jamais être tout à fait entendu.

 

Stress, déprime, dépression, peur de perdre et/ou de gagner, survalorisation, stakhanovisme des entraînements, les sportifs professionnels ou amateurs sont souvent soumis à des pressions physiques et mentales considérables handicapant leurs potentiels. Ils se confrontent quelquefois à un stress physique et mental intense et leurs équipes -quand elles existent- ont enfin commencé à reconnaître l'importance de la santé mentale pour la construction de la performance sportive. Une première, le CIO et le Comité international paralympique dans le cadre de son soutien à la santé mentale ont créé une ligne d'assistance dédiée, baptisée « Mentally Fit » à la faveur des JO de Paris. Elle est animée 24h/24 par des conseillers experts dispensant soutien, conseils et orientation en 70 langues.

Cette offre gratuite peut être déclinée, selon les besoins, en 6 séances de conseils jusqu'à trois mois après la compétition. Elle a été disponible avant, pendant et l'est après les Jeux conformément à la recommandation n°5 de l'agenda olympique 2020+5. Ce dispositif s'appuie sur des outils d'évaluation (SMHAT), un référentiel de santé mentale athlète d'élite, un programme de qualifications et de diplômes. Désormais, les clubs et les coaches prennent en compte la santé mentale de leurs athlètes pour les aider à améliorer leurs performances.

 

SES MANIFESTATIONS CHEZ L'ATHLÈTE

Alliée ou ennemie de la performance, son rayon d'action s'avère très large. Isabelle Inchauspé, ex-joueuse de tennis de bon niveau aujourd'hui reconvertie dans l'accompagnement psychologique des sportifs, qualifie ainsi la santé mentale:

« C'est un terme qui pourrait se définir en fonction de personnes et de leurs activités de manière différente. Pour un sportif de haut niveau, la santé mentale est un état d'équilibre entre ce qu'il vit émotionnellement tous les jours et la pratique quotidienne de son sport. » On a affaire à un équilibre précaire, synonyme de sens. « Cet équilibre, poursuit la psychologue, lui permettra de rester lucide dans ses prises de décisions. Il sera plus heureux dans l'exercice de son sport et dans l'acception de la souffrance que demande l'effort de son sport parce qu'elle est porteuse de sens ».

 

RECONNAISSANCE TARDIVE ET PARTIELLE DU DANGER

La question paraît nouvelle mais elle ne l'est pas, souligne Isabelle Inchauspé: « Dans notre société, la pression du résultat, la définition que l'on donne à la réussite "toujours plus" d'argent, de célébrité, de visibilité sur les réseaux sociaux est de plus en plus forte.

Les sportifs n'échappent pas à ce phénomène.

Des Fédérations, des agents, des parents, des entraîneurs ou des sponsors peuvent demander toujours plus au sportif. Ce "plus" crée un déséquilibre émotionnel, une perte de contrôle de son projet et des surcharges de tout [entraînements, compétitions, sollicitations, ndlr]. Dans ce contexte, qui touche presque tous les sports aujourd'hui, la perte d'une bonne santé mentale va extrêmement vite et elle est davantage fréquente donc visible. » Le temps est donc compté pour diagnostiquer un problème de santé mentale. « Les athlètes concernés sont moins complexés qu'auparavant pour consulter sur leur problème psychologique », nous déclare un entraîneur.

 

SA PRISE EN COMPTE PAR LE SPORT

Le traitement de la santé mentale des sportifs ne génère pas forcément de « recettes » universelles. Selon Isabelle Inchauspé, « plusieurs personnes peuvent aider l'athlète à se renforcer mentalement.

Tout d'abord l'entraîneur qui doit bien écouter les besoins du sportif et bien comprendre son projet pour connaître les forces et les freins de l'athlète afin de mieux y répondre. Des spécialistes comme des psychologues ou préparateurs mentaux qui vont donner de la conscience de soi et des outils de gestion de soi.

L'entourage proche qui va par son attention quotidienne aider l'athlète à avoir une bonne santé mentale. En revanche, je ne suis pas en mesure de donner des recettes car il y a autant de recettes que d'athlètes. »

 

L'ACCOMPAGNEMENT PROFESSIONNEL

Ce n'est pas faute de disposer de spécialistes connus et reconnus. Les psychologues sportifs et les préparateurs mentaux, les conseillers en santé mentale et les programmes de bien-être peuvent aider de façon significative les athlètes à surmonter les problèmes de santé mentale. Les équipes ou les clubs peuvent réduire le stress en fournissant un environnement de soutien et en encourageant les sportifs à prendre des pauses régulières pour se reposer, récupérer et se retrouver psychologiquement.

Cependant, les équipes et les clubs malgré leurs efforts salutaires dans ce domaine n'ont pas toujours recours à des professionnels de santé mentale, à une aide plus spécialisée et au concours plus ou moins durable d'un professionnel de santé. Par conséquent, il existe toujours un manque de recherche et de sensibilisation à ces problèmes de santé mentale chez les athlètes d'endurance et d'ultra endurance que le milieu sportif occulte quelquefois. Augmenter son bien-être émotionnel, stabiliser la pression, se sentir bien dans sa tête constituent autant d'atouts pour les sportifs. Autant de données à intégrer, selon les besoins, dans leur préparation mentale.

Une conquête prenant en compte la globalité du pratiquant qui éviterait à ce dernier les déconvenues de la vie et de la carrière.

 

 

Les facteurs dégradants de la santé mentale des sportifs.

La pression du résultat: une attente de l'entourage trop importante qui crée de l'anxiété et/ou du stress.

Une mauvaise gestion du cadre général de l'athlète: objectifs mal posés ou pas adaptés - surcharge d'entraînement, peu d'écoute et trop d'autorité descendante, des blessures souvent liées à une fragilité psychologique qui n'est pas entendue.

L'isolement:

Pas d'entourage assez présent et aidant au quotidien, une perte de sens du projet sportif que l'on n'ose pas exprimer.

 

Il en existe bien d'autres qui appartiennent en général à l'histoire personnelle de l'athlète.

 

 

 

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